vendredi 9 mars 2007

Demain, une Mauritanie nouvelle


Ce week-end, les Mauritaniens vont se rendre aux urnes et choisir parmi 20 candidats leur futur Président. Pour la première fois depuis l’élection en 1960 de Moktar Ould Daddah, le père de l’indépendance et de la Mauritanie moderne, ce choix sera libre et démocratique.

Aveuglés par les turpitudes et aléas de notre campagne nationale, nous oublions que des peuples de l’autre côté de la Méditerranée découvrent le droit de se doter de représentants librement, et ainsi de se constituer un avenir qui ne rime plus avec la personnalisation du pouvoir et les dérives qui vont avec.

La Mauritanie a pourtant fait la une des médias Français et Européens l’an dernier pour être le point de départ des pirogues chargées d’émigrants en route pour l’occident. Les journalistes venus sur place n’ont malheureusement pas su voir au-delà des plages du Sahara d’où partaient pour ne jamais revenir des milliers d’Africains, un autre phénomène, heureux celui-là et porteur d’optimisme dans une région des plus déshéritée du continent noir.

Depuis le 3 août 2005, une junte militaire a profité de l’absence du Président Taya pour renverser son régime tribal, autoritaire mais cependant mâtiné d’une inféodation à Washington, ce qui impliquait sa participation au programme anti-terroriste pan Sahel, la reconnaissance de l’Etat d’Israël, en échange de la validation de ses élections truquées. Un coup d’Etat de l’intérieur, une tradition dans ce pays où ils se sont succédés depuis 1978, mais pour une fois, les militaires, sous la houlette du colonel Ely Ould Mohamed Vall, n’ont pas fait comme leurs sinistres prédécesseurs et se sont engagés dans la voie de la transition démocratique. Ils se sont ainsi engagés à rendre le pouvoir au bout de deux ans, période durant laquelle ils réformeront la Mauritanie pour la préparer à son futur destin de république islamique enfin démocratique.

La révision de la constitution, adoptée par une étonnante et large participation le 25 juin 2006 (cf Libération de ce jour là), entérine cette volonté : limitation des mandats présidentiels à deux, suppression de l’article 104 qui permettait au pouvoir de modifier à sa guise la constitution.

Auparavant, la junte avait garantit le retour des libertés : la presse, autrefois muselée, retrouvait sa liberté d’expression et RFI son antenne, les précédents putschistes ainsi qu’une grande partie d’islamistes -incarcérés par Taya pour donner des gages de fidélité à Georges Bush- étaient libérés.

Ensuite, et en coordination avec les nouveaux partis, dont une majorité nouvellement crées, les autorités réforment le code électoral, introduisent une part de proportionnelle pour diminuer le poids du tribalisme, fixent des quotas de candidates, les modalités de remboursement des campagnes électorales et établissent le bulletin unique pour juguler les risques de fraudes. Le succès des élections municipales, législatives et sénatoriales sont la preuve de la réussite de cette démarche.

La question du pétrole, qui a jailli des flots Mauritaniens peu de temps après le coup d’Etat, a été renégociée bec et ongle par la junte afin de garantir plus de ressources financières au budget national et dont une partie est versée sur un fonds spécial, garanti par les bailleurs de fonds, pour les générations futures, suivant ici l’exemple du Tchad.

Entre-temps, les Mauritaniens ne tardent pas à se servir des libertés offertes pour faire le procès d’un passé lourd de carences. La minorité noire, écartée du pouvoir à de nombreuses reprises par un exécutif arabisant et étranger à l’africanité de la Mauritanie, victime de véritables pogroms en 1989 lors du conflit avec le Sénégal, réclamait la vérité sur le « passif humanitaire » (nom officiel des massacres raciaux et des déportations qui s’en suivirent) et surtout le retour à leurs postes des citoyens chassés de l’administration, et, le plus souvent, de leur pays. Montrant leur bonne volonté, une scission éclata parmi les FLAM, mouvement radical négro-mauritanien en lutte contre le pouvoir beydan (blanc, donc arabe) et une partie rentra d’exil pour participer à la transition.

La Mauritanie, à la veille d’élections cruciales, sera demain gouvernée par un président légitimé par les urnes et non plus par les armes. Après le Sénégal, le Mali, la démocratie s’installe durablement en Afrique de l’Ouest, et ce, sans le concours de gênants et inopportuns partenaires extérieurs. La démocratisation voulue par Mitterrand au sommet de la Baule s’est révélée être une énième manœuvre de la Françafrique pour redorer son blason. Le salut du peuple africain vient de lui-seul, les citoyens mauritaniens le prouveront au monde dès demain.

sites internet utiles...

Nouakchott Info : un des principaux journaux mauritaniens, disponible en Français, et sur internet.

Cridem : un site qui regorge d'information sur la Mauritanie

E-mauritanie : LE fil info sur la Mauritanie

Ici Nouakchott : mon blog quand j'étais sur place

Documents sur la politique Mauritanienne

Les principaux candidats

Ahmed Ould Daddah : beau-frère du défunt premier président. Chef du RFD, ancien ministre sous Daddah, chef de l'opposition sous Taya, candidat aux élections de 91 (score historique) et de 2003. Proche du PS français. http://www.ahmed-ould-daddah2007.org/

Zeine Ould Zeidane : ancien membre du CMJD, ancien gouverneur de la Banque Centrale.

Mohamed Ould Haïdallah : ancien président de 80 à 84, a retiré la Mauritanie du Sahara Occidental et a instauré la charia. Ancien candidat en 2003, incarcéré avant mais libéré le jour du scrutin.

Messaoud Ould Boulkheir : leader charismatique des Harratines et chef de l'APP.

Sidi Ould Cheikh Abdellahi : indépendant, ancien fonctionnaire international, est visiblement le favori du CMJD, a parcouru la Mauritanie triomphalement pendant sa campagne.

Saleh Ould Hannena : ancien putschiste en 2003, chef des cavaliers du changement devenus le parti Hatem.

Mohamed Ould Maouloud : président de l'ancien parti d'opposition, l'UFP

Sarr Ibrahima : leader noir et opposant historique, a quitté avec succès l'APP et dispose d'une assise électorale supérieure à Boulkheir.

Discours de la Baule




Allocution prononcée par M. François Mitterrand, président de la République, à l’occasion de la séance d’ouverture de la 16ème conférence des chefs d’Etat de France et d’Afrique, 20 juin 1990.

Majesté, Laissez-moi vous remercier pour la présidence que vous avez exercée depuis la Conférence de Casablanca.

Je salue ceux qui nous rejoignent dans notre Conférence pour la première fois. Je ne ferai pas de distinction. Mais je noterai cependant la présence de la Namibie, ce qui marque bien qu’il y a aussi des évolutions heureuses : l’accession à l’indépendance est l’une des formes essentielles de la liberté et la Namibie en est le meilleur symbole.

Depuis la conférence de Casablanca, beaucoup de choses se sont passées.

Vous avez parlé, Majesté, des maux dont souffre l’Afrique. Chacun le sait, ils sont nombreux. Cela repose sur des réalités difficiles et parfois angoissantes. La crise est d’abord économique. Elle s’aggrave sans cesse. Vous savez que la production par tête diminue chaque année, que la part de l’Afrique dans la concurrence mondiale recule, que les investissements se font plus rares, qu’ici ou là la famine resurgit, que la dette s’alourdit. Bref, on est installé cruellement dans le cycle infernal "dette-sous développement", tandis que la population cront. Comment voulez-vous que les systèmes scolaires et sociaux puissent résister à la poussée de la démographie dans de telles circonstances ?

Vous avez eu raison de le dire tout à l’heure, se tourner vers l’Afrique et porter accusation révèle une grande injustice de ceux qui, avec complaisance, parfois même avec satisfaction, dénoncent les moeurs, les traditions, le système politique, la manière de vivre de l’Afrique. Si j’ai moi-même des observations critiques à faire, comme je le ferai à l’égard de mon pays, je refuse de m’engager dans ce procès. Je préfère examiner avec vous la manière dont on pourrait préparer l’avenir immédiat. Car je suis de ceux qui pensent que si responsabilités il y a, on ne peut ignorer celles qui incombent à la société internationale et particulièrement aux pays les plus riches.

Sont-ils sans pitié ou simplement indifférents ? Nous attendons encore, en dépit des efforts répétés de la France et de quelques autres, le plan mondial qui permettrait d’examiner, sur une distance de cinq à dix ans, la manière de parer aux maux successifs qui viennent pour une large part des pays riches pour atteindre les pays en voie de développement, pauvres ou moins pauvres, mais en tout cas très endettés. Examinons par exemple, l’effondrement des cours des matières premières. Je me répète d’une année sur l’autre. Mais comment ne pas se répéter ? Nous sommes contraints de tenir le même discours puisque les faits n’ont pas changé. Si on se met à la place des responsables africains, on se dit comment faire ? On établit un budget, on tente de planifier sur deux ans, trois ans, cinq ans et en l’espace d’une semaine, quand ce n’est pas au cours d’une simple séance d’un après-midi dans une ville lointaine, tout s’effondre.

Les monnaies de base ont connu des évolutions qui ont constamment dérangé vos prévisions ; vos productions ont connu des évolutions saisissantes vers la baisse. On s’interroge : comment le financier le plus avisé du monde, pourtant si prêt à se faire donneur de leçons, agirait-il ? Quelle solution trouverait-il pour compenser les pertes, arrêter le désastre ? On s’étonne après cela de la fuite des investissements étrangers... Et que penser de la fermeture des marchés en Occident ? Faut-il s’étendre sur le débat au sein du GATT à propos du maintien du protectionnisme, sur les produits agricoles, les produits textiles et combien d’autres ? Il y a là une spirale qui empêche les pays africains de retrouver un équilibre hors duquel tout leur est interdit. Le développement, bien entendu, la prospérité, l’équilibre politique, le temps et l’espace nécessaires pour procéder aux réformes politiques attendues.

Il est vrai que l’Afrique est l’oubliée de la croissance, la laissée pour compte du progrès ; je dis ceci d’une façon rapide car, dans tel ou tel pays, on observe des efforts récompensés par le succès.

Nous n’allons pas nous attarder pour tenter de désigner le coupable. Les responsabilités sont partagées. Dans mon esprit, elles commencent par l’insouciance ou l’irresponsabilité des pays, qui par solidarité internationale et dans leur intérêt, devraient comprendre qu’une large et audacieuse politique Nord-Sud s’impose. Elles continuent par les défaillances de nombreux pays africains qui n’ont pas pu ou qui n’ont pas su prendre à temps les mesures qui pouvaient leur convenir. Prenons-en acte ; posons-nous ces questions.

La première question est sous-jacente dans les campagnes qui se développent, un peu partout dans le monde, contre la politique de la France faut-il que la France renonce afin de ne plus être exposée aux critiques nombreuses qui la frappent ? Faut-il qu’elle rapatrie chez elle tous les moyens et qu’elle les consacre à ses ressortissants nationaux ? Faut-il qu’elle se replie, faut-il qu’elle cherche en elle-même ses seules ambitions. Je vous dirai ce que je pense de la politique de la France et de la manière dont elle est conduite. Mais je répondrai par avance à cette question : la France est décidée à poursuivre sa politique et donc à aider l’Afrique, quoi qu’il en soit et quoi qu’on en dise. Elle ne se retirera pas de l’oeuvre engagée depuis si longtemps et qui, sous des formes différentes au travers de l’histoire, l’a associée à un grand nombre de ces pays.

La France restera fidèle à son histoire dont, d’une certaine manière vous êtes, et à son avenir dont vous serez, je l’espère aussi. Permettez-moi quelques rappels simples. La France est toujours le premier des pays industriels avancés dans l’aide aux pays en voie de développement. Le premier, nettement, devant tous les autres. C’est vrai que des pays comme le Canada ou l’Allemagne font un effort tout à fait estimable. Mais, c’est vrai que d’autres grandes puissances restent à quelque distance et même parfois à une longue distance.

Notre aide à l’Afrique en 1990 est supérieure à celle de 1989 qui, elle-même, était en accroissement par rapport aux années précédentes. La quatrième Convention de Lomé, à laquelle nous avons pris une part si évidente, a permis d’augmenter de 45% les engagements financiers de la Communauté. Dans toutes les enceintes internationales, j’ai plaidé pour le développement que je considère comme un élément indissociable des progrès de la démocratie. Nous sommes allés partout, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de l’Economie et des Finances, le ministre de la Coopération, le ministre de la Francophonie notamment, pour plaider le dossier de l’Afrique. Et nous devons répéter, encore une fois, les mêmes choses simples. A Toronto, nous avons mis au net un plan qui permettrait de réduire ou d’abolir la dette des pays les plus pauvres et nous avons préconisé trois façons de faire en annonçant aussitôt celle que nous avions choisie. A Dakar, peu de temps après, nous avons annulé nos créances publiques à l’égard de trente-cinq pays d’Afrique. Cet exemple a été suivi par quelques uns. A la tribune des Nations Unies, j’ai demandé qu’un plan fut élaboré et décidé en faveur des pays dits intermédiaires, ceux qui sont peut-être moins pauvres, mais si endettés que le bénéfice de leur travail est absorbé par le service de la dette.

A Toronto, à Dakar, à New York, j’avais déjà indiqué que la France ne s’en tiendrait pas là. Je pense que dès maintenant, il convient de ne plus faire que des dons à 100% aux pays les moins avancés. Une conférence de ces pays se tiendra à Paris, cet automne, j’aurai l’occasion d’y revenir. Je pense qu’il convient de limiter à 5%, ce qui revient à une réduction de 50%, les taux d’intérêt de tous les prêts publics aux pays dits intermédiaires de l’Afrique sub-saharienne.

C’est une décision unilatérale de la France. Elle n’a pas été négociée, ni avec vous, ni avec nos partenaires de ce fameux club des pays les plus riches qui se réunira dans quelques semaines à Houston. Mais j’ai l’intention, à Houston précisément, de demander à nos partenaires, aux six autres pays industrialisés, d’aller plus loin. J’ai l’intention de leur demander d’abord s’il leur est possible de reprendre à leur compte des dispositions du type de celle que je viens d’énoncer ; ensuite, d’allonger de toute façon les délais de remboursemont des pays les plus endettés par des moyens divers qu’il conviendra de choisir. Et j’en reviens à ce projet dix fois traité et dont il faudra bien comprendre qu’il est nécessaire, celui d’un fonds spécial mondial. J’avais proposé qu’il fut financé par des nouveaux droits de tirages spéciaux. Je pense que les pays peuvent renoncer à certains de leurs droits pour alimenter une sorte de fonds mondial de garantie qui servirait à amorcer la pompe pour que, désormais, un nouveau cours des choses préside à la marche des affaires internationales.

Mais, rien ne se fait au hasard. Peut-être à certaines époques l’argent se répandait avec prodigalité, sans contrôle. Moi, je n’ai pas connu ce temps-là. Je veux dire que je n’étais pas responsable au temps ou ces pratiques ont pu exister. Vous savez bien, Madame et Messieurs, comment les choses se passent, comment les décisions sont prises. Il peut même arriver que des difficultés naissent à ce propos entre nous. Pas exactement entre vous et moi, mais entre nos hauts fonctionnaires lorsqu’ils discutent âprement de la valeur de tel projet, de son financement, de ses modalités. Il vous arrive même parfois de reprocher à la France, par ses exigences et par sa rigueur, d’exprimer je ne sais quel relent de l’époque coloniale, bien que nous ne prétendions pas, et vous le savez bien, dicter la politique que vous avez à faire.

Les crédits du Fonds d’aide et de coopération qui sont placés sous la tutelle du ministre de la Coopération et qui servent à développer des projets font l’objet d’une instruction interministérielle, avec un luxe de précautions de toutes sortes.

Les crédits sont alloués au fur et à mesure des réalisations. On constate, sur place, ce qui se fait, en collaboration avec les responsables de chacun de vos pays. Il en est de même pour les crédits, prêts et dons gérés par la Caisse centrale de coopération économique. Ce sont des institutions sévères ou des organismes parfois rébarbatifs qui accumulent les étages administratifs, mais qui sont quand même bien nécessaires. Ils permettent en tout cas d’avoir la conscience tranquille. Pour vous comme pour nous cette aide est menée avec la rigueur necessaire, pour qu’elle soit utile à vos peuples. A tout cela, Madame et Messieurs, vos Etats participent et contribuent. Ils font entendre leurs voix, ils font connantre aussi leurs objections et ils acceptent parfaitement tout ce qui leur permettra de mener leur action sous le contrôle de chefs d’Etat dont je peux dire que j’ai souvent constaté le scrupule sur la manière dont ils devaient gérer les crédits qui doivent servir au développement de leur peuple. Si l’on doit constater un certain nombre de défaillances à travers le temps, je ne vois pas, ayant fait un examen approfondi de cette situation, ce qui pourrait être vraiment remarqué au cours de ces dernières années. Pour la balance des paiements, il arrive qu’une contribution soit consentie par la France aux Etats lorsqu’ils ont constaté que leur programmation se heurte à des décisions souvent spéculatives qui ruinent, en l’espace de quelques heures, la patience et la prévision de plusieurs années. Là encore, c’est notre ministère des Finances qui intervient. Il a des instructions financières pour chaque pays. Le ministère des Affaires étrangères et celui de la Coopération y prennent part : dans un système aussi précis, par où serait passée cette "évaporation", dont on parle sans arrêt, dans un procès de type cartiériste, comme une sorte d’invitation en sourdine à voir la France arrêter, cesser de pratiquer la politique qui nous rassemble aujourd’hui et qui fait de nous des pays amis et solidaires, nous qui représentons ensemble, sur la scène internationale, un front de quelque 30, 35 pays. Mais sur ces 35 pays, presque tous sont sous-développés. Peut-on dire : que c’est de leur faute, et oublierait-on cette indifférence des peuples riches ou plutôt de leurs dirigeants, cet oubli de leur responsabilité et de leur intérêt, car c’est du développement des termes de l’échange qu’eux mêmes tireront les moyens de leur prospérité ?

Je n’ignore pas les interrogations que suscitent chez vous les événements qui ont bouleversé l’Est de l’Europe. Vous craignez que bien des capitaux ne se détournent de l’Afrique. C’est une inquiétude que l’on peut comprendre, car les moyens des pays qui sont vos amis ne sont pas illimités. Eh bien, il dépend de nous qu’il n’en soit pas ainsi. La France fait son devoir. C’est vrai que si l’on ne rétablit un climat de confiance dans la marche en avant des pays de l’Afrique, il est difficile d’espérer la venue d’investissements étrangers, privés. On peut prendre des mesures de toutes sortes, notamment fiscales, mais ne s’agit-il pas aussi d’un problème politique ? Si l’on veut redonner confiance dans les chances de l’Afrique ce sera par une stabilité retrouvée, avec des administrations en bon état de marche, avec une gestion scrupuleuse et un certain nombre de dispositifs, soit anciens, soit nouveaux qu’il conviendra de déterminer au cours des heures de travail que nous aurons cet après midi et demain.

Prenons un cas : celui de la zone franc. Je crois que l’on peut considérer que cette zone franc est un facteur de stabilité pour l’Afrique noire. Je crois que les pays qui participent y sont très attachés. Eh bien, la France aussi. Périodiquement, l’idée d’une dévaluation du franc CFA est relancée par de grandes institutions internationales. On dit que vous y êtes hostiles, moi aussi. Cela ne réglerait aucune de vos difficultés. Je crains que cela ne puisse aboutir qu’à alourdir les charges de vos dettes et à renchérir vos importations.

Certains d’entre vous se posent la question de savoir si l’Union économique et monétaire européenne ne modifierait pas la relation du franc CFA avec les autres monnaies de l’Europe. Je vous dis dès maintenant que ce qui vaut pour le franc CFA par rapport au franc vaudra demain par rapport à la monnaie européenne si celle-ci, comme nous l’espérons, voit le jour. Je puis m’en porter garant.

Ainsi disposerez-vous d’une vaste zone qui vous apportera certaines formes de sécurité dans le trouble général qui s’empare de l’Afrique. Vous savez que l’Europe dispose d’un Marché commun et qu’elle est à la recherche d’une monnaie unique. Or la zone-franc a une monnaie mais elle n’a pas de Marché commun. Il y a pour l’instant d’un côté un marché commun sans monnaie et de l’autre une monnaie sans marché commun. Il y a là peut-être une situation dont la contradiction pourrait toucher à l’absurde. Ne devriez-vous pas, Madame et Messieurs, rechercher l’unification de vos marchés et l’harmonisation de règles administratives, juridiques, fiscales et douanières dans des ensembles suffisamment vastes ? Il serait peut-être trop ambitieux de considérer l’ensemble de l’Afrique noire. La réalité historique et géographique devrait aboutir à plusieurs ensembles et ce serait déjà un grand progrès. En tout cas, nous sommes prêts à vous aider pour mettre en oeuvre ce mouvement que je crois indispensable si l’on veut pouvoir disposer de l’instrument politique, géographique, économique qui nous permettra d’avancer dans la lutte contre la crise. Mais je tiens à dire ceci : de même qu’il existe un cercle vicieux entre la dette et le sous-développement, il existe un autre cercle vicieux entre la crise économique et la crise politique. L’une nourrit l’autre.

Voilà pourquoi il convient d’examiner en commun de quelle façon on pourrait procéder pour que sur le plan politique un certain nombre d’institutions et de façons d’être permettent de restaurer la confiance, parfois la confiance entre un peuple et ses dirigeants, le plus souvent entre un Etat et les autres Etats, en tout cas la confiance entre l’Afrique et les pays développés. Je reprends à mon compte l’observation, à la fois ironique et sévère, de Sa Majesté le Roi du Maroc lorsqu’il évoquait la manière dont la démocratie s’était installée en France. Cela n’a pas été sans mal, ni sans accidents répétés. Elargissant le propos, je reprendrai les termes de l’un des chefs d’Etat avec lequel nous dnnions hier soir : l’Europe dont nous sommes, nous Français, avait à la fois le nazisme, le facisme, le franquisme, le salazarisme et le stalinisme. Excusez du peu... Etait-ce les modèles à partir desquels vous aviez à bâtir vos Etats, vous qui n’avez disposé, dans la meilleure hypothèse que d’un quart ? Il nous a fallu deux siècles pour tenter de mettre de l’ordre, d’abord dans notre pensée et ensuite dans les faits, avec des rechutes successives ; et nous vous ferions la leçon ?

Il nous faut parler de démocratie. C’est un principe universel qui vient d’apparantre aux peuples de l’Europe centrale comme une évidence absolue au point qu’en l’espace de quelques semaines, les régimes, considérés comme les plus forts, ont été bouleversés. Le peuple était dans les rues, sur les places et le pouvoir ancien sentant sa fragilité, cessait toute résistance comme s’il était déjà, et depuis lontemps, vidé de substance et qu’il le savait.

Et cette révolution des peuples, la plus importante que l’on eut connue depuis la Révolution française de 1789, va continuer. Je le disais récemment à propos de l’Union Soviétique cette révolution est partie de là et elle reviendra là. Celui qui la dirige le sait bien, qui conduit avec courage et intelligence une réforme qui, déjà, voit se dresser devant elle toutes les formes d’opposition celles qui s’y refusent, attachées au système ancien et celles qui veulent aller plus vite. Si bien que l’histoire reste encore en jeu. Il faut bien se dire que ce souffle fera le tour de la planète. Désormais on le sait bien : que survienne une glaciation ou un réchauffement sur l’un des deux pôles et voilà que le globe tout entier en ressent les effets. Cette réflexion ne doit pas rester climatique, elle s’applique à la société des hommes !... Enfin, on respire, enfin on espère, parce que la démocratie est un principe universel. Mais il ne faut pas oublier les différences de structures, de civilisations, de traditions, de moeurs. Il est impossible de proposer un système tout fait. La France n’a pas à dicter je ne sais quelle loi constitutionnelle qui s’imposerait de facto à l’ensemble de peuples qui ont leur propre conscience et leur propre histoire et qui doivent savoir comment se diriger vers le principe universel qu’est la démocratie. Et il n’y a pas trente six chemins vers la démocratie. Comme le rappelait M. le Président du Sénégal, il faut un Etat, il faut le développement et il faut l’apprentissage des libertés...

Comment voulez-vous engendrer la démocratie, un principe de représentation nationale avec la participation de nombreux partis, organiser le choc des idées, les moyens de la presse, tandis que les deux tiers d’un peuple vivraient dans la misère. Je le répète, la France n’entend pas intervenir dans les affaires intérieures des Etats africains amis. Elle dit son mot, elle entend poursuivre son oeuvre d’aide, d’amitié et de solidarité. Elle n’entend pas soumettre à la question, elle n’entend pas abandonner quelque pays d’Afrique que ce soit. Ce plus de liberté, ce ne sont pas simplement les Etats qui peuvent le faire, ce sont les citoyens : il faut donc prendre leur avis et ce ne sont pas simplement les puissances publiques qui peuvent agir, ce sont aussi les organisations non gouvernementales qui souvent connaissent mieux le terrain, qui en épousent les difficultés qui savent comment panser les plaies. Nous ne voulons pas intervenir dans les affaires intérieurres. Pour nous, cette forme subtile de colonialisme qui consisterait à faire la leçon en permanence aux Etats africains et à ceux qui les dirigent, c’est une forme de colonialisme aussi perverse que tout autre. Ce serait considérer qu’il y a des peuples supérieurs, qui disposent de la vérité, et d’autres qui n’en seraient pas capables, alors que je connais les efforts de tant de dirigeants qui aiment leur peuple et qui entendent le servir même si ce n’est pas de la même facon que sur les rives de la Seine ou de la Tamise. Voilà pourquoi il faut procéder à une étude méthodique de tout ce qui touche à la vie économique. Il faut mettre en place des dispositifs douaniers qui empêcheront des évasions de capitaux qui viennent souvent justifier les critiques entendues. De ce point de vue encore, la France, si vous le souhaitez, est prête à vous apporter l’aide humaine et technique, à former des fonctionnaires, à se trouver auprès d’eux. J’ai vu nantre la plupart de vos Etats, j’ai connu vos luttes pour en finir avec l’état colonial. Ces luttes vous opposaient souvent à la France, et seule la sagesse des dirigeants français et africains a évité, en fin de compte, le drame d’une guerre coloniale en Afrique noire. Il fallait bâtir un Etat, une souveraineté, avec des frontières garanties internationalement, telles que les avaient dessinées les compas et les règles des pays coloniaux, dans les salons dorés des chancelleries occidentales, déchirant les ethnies sans tenir compte de la nature du terrain. Et voilà que ces Etats nouveaux, doivent gérer les anciennes contradictions héritées de l’histoire, doivent bâtir une administration centrale, nommer des fonctionnaires après les avoir former, gérer des finances publiques, entrer dans le grand circuit international, souvent sans avoir reçu des anciens pays coloniaux la formation nécessaire.

Et on aurait à raisonner avec ces Etats, comme on le ferait à l’égard de nations organisées depuis mille ans comme c’est le cas de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Espagne ou du Portugal ! Les moeurs, les traditions aussi respectables que les vôtres, l’histoire et la nature de ces peuples, leur propre culture, leur propre façon de penser, tout cela pourrait se réduire à une équation décidée dans une capitale du nord ? Vraiment, je fais appel à votre raison, et je pense que nous nous connaissons assez pour savoir que rien ne sera fait entre nous en dehors du respect et de la considération que nous nous devons. S’il y a contestation dans tel Etat particulier, eh bien ! que les dirigeants de ces pays en débattent avec leurs citoyens. Lorsque je dis démocratie, lorsque je trace un chemin, lorsque je dis que c’est la seule façon de parvenir à un état d’équilibre au moment où apparant la nécessité d’une plus grande liberté, j’ai naturellement un schéma tout prêt : système représentatif, élections libres, multipartisme, liberté de la presse, indépendance de la magistrature, refus de la censure : voilà le schéma dont nous disposons. Nous en avons discuté plusieurs fois et hier soir encore en particulier. Je sais combien certains défendent scrupuleusement leur peuple et cherchent le progrès y compris dans les institutions. Plusieurs d’entre vous disaient : "transposer d’un seul coup le parti unique et décider arbitrairement le multipartisme, certains de nos peuples s’y refuseront ou bien en connantront tout aussitôt les effets délétères". D’autres disaient : "nous l’avons déjà fait et nous en connaissons les inconvénients". Mais les inconvénients sont quand même moins importants que les avantages de se sentir dans une société civiquement organisée.

D’autres disaient : "nous avons commencé, le système n’est pas encore au point, mais nous allons dans ce sens". Je vous écoutais. Et, si je me sentais plus facilement d’accord avec ceux d’entre vous qui définissaient un statut politique proche de celui auquel je suis habitué, je comprenais bien les raisons de ceux qui estimaient que leurs pays ou que leurs peuples n’étaient pas prêts. Alors qui tranchera ? Je crois qu’on pourra trancher en disant que de toute façon, c’est la direction qu’il faut prendre. Certains ont pris des bottes de sept lieues, soit dans la paix civique soit dans le désordre, mais ils ont fait vite. D’autres marcheront pas à pas. Puis-je me permettre de vous dire que c’est la direction qu’il faut suivre. Je vous parle comme un citoyen du monde à d’autres citoyens du monde : c’est le chemin de la liberté sur lequel vous avancerez en même temps que vous avancerez sur le chemin du développement. On pourrait d’ailleurs inverser la formule : c’est en prenant la route du développement que vous serez engagés sur la route de la démocratie. A vous peuples libres, à vous Etats souverains que je respecte, de choisir votre voie, d’en déterminer les étapes et l’allure. La France continuera d’être votre amie, et si vous le souhaitez, votre soutien, sur le plan international, comme sur le plan intérieur.

Vous lui apportez beaucoup. Quand je constate, par exemple, que le flux de capitaux qui va du Sud pauvre vers le Nord riche est plus important que le flux de capitaux qui va du Nord riche au Sud pauvre, je dis qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Le colonialisme n’est pas mort. Ce n’est plus le colonialisme des Etats, c’est le colonialisme des affaires et des circuits parallèles. Nous parlons entre Etats souverains, égaux en dignité, même si nous ne le sommes pas toujours en moyens. Il existe entre nous des conventions de toutes sortes. Il existe des conventions de caractère militaire. Je répète le principe qui s’impose à la politique française chaque fois qu’une menace extérieure poindra, qui pourrait attenter à votre indépendance, la France sera présente à vos côtés. Elle l’a déjà démontré, plusieurs fois et parfois dans des circonstances très difficiles. Mais notre rôle à nous, pays étranger, fut-il ami, n’est pas d’intervenir dans des conflits intérieurs. Dans ce cas-là, la France en accord avec les dirigeants, veillera à protéger ses concitoyens, ses ressortissants mais elle n’entend pas arbitrer les conflits.

C’est ce que je fais dans le cadre de ma responsabilité depuis neuf ans. De la même manière, j’interdirai toujours une pratique qui a existé parfois dans le passé et qui consistait pour la France à tenter d’organiser des changements politiques intérieurs par le complot ou la conjuration. Vous le savez bien, depuis neuf ans, cela ne s’est pas produit et cela ne se produira pas.

Histoire de la Mauritanie jusqu'à l'indépendance

Trab El Didhane (le pays des Maures) XIXe siècle

1900 Proconsulat de Coppolani

1904 Territoire civil de la Mauritanie (Tagant, Mal, Trarza, Brakna, Gorgol)

1905 Assassinat de Coppolani

1907-1910 Campagne de l’Adrar

Colonisation française

1902 Ecole française de Kaédi

1910 Mort du Cheikh Melaïnine Fadel

1912 Ecole française de Boghé

1913 Convention : l’émir de l’Adrar est un fonctionnaire français

1914 Médersa de Boutilimit

1917 Mort du Cheikh Saad Bouh Fadel (demi-frère du précédent)

1920 Colonie intégrée à l’AOF

1927 Fonction émirale réduite à une simple dignité

1931 Arrestation de l’émir de l’Adrar

1932 Taux de scolarisation 1,1 % (7 écoles)

1934 mort du Cheikh El Kebir

1935 « pacification » achevée

1936 Arrêtés Beyries, réorganisation de l’administration (indirecte) : dijemaa/chef de fraction ; tribu/chef de tribu ; émir ; cercle/commandant de cercle. Le gouverneur nomme les chefs de tribus et les émirs.

1936 Médersa d’Atar

1941 17 écoles préparatoires, 2 écoles rurales, 3 médersas

Union Française 1945-1958

1945 Fondation de l’Union, droit de vote accordé aux chefs, fonctionnaires, anciens élus issus des médersas et anciens militaires décorés (favorise le sud contre le nord)

1946 Premier député mauritanien Ahmedou Ould Horma Ould Babana élu par 9611 voix contre 6074 à Yvon Razac (franco-algérien)

1947 Assemblée territoriale du Territoire de la Mauritanie, 25 membres dont 5 siègent au Conseil général de l’AOF

1947 L’Union Progressiste Mauritanienne crée, anti-hormiste

1950 L’Entente Mauritanienne , hormiste, contrôle quasi tous les postes

1951 Sidi El Mokhtar Ndiaye (UPM) élu contre Horma

1954 UPM majoritaire à l’Assemblée, 5 conseillers à l’AOF

1952 création de la MICUMA et de la MIFERMA

1956 Association de la Jeunesse Mauritanienne, dissidence de l’UPM, affirme vouloir « l’indépendance rapide et l’éviction totale de la France »

1957 Exil d’Horma au Maroc

mai 1957 Application de la loi-cadre Deferre. L’Assemblée territoriale est renouvelée, nomme Moctar Ould Daddah Vice Premier Ministre et sept ministres dont cinq Mauritaniens pour gérer les affaires locales (Ould Haïba, Diadé, Dioum, Ould Sidi Baba, Ould El Hassen, Ould Bah)

février 1958 Opération Ecouvillon contre la résistance

mars 1958 Ould Oumeïr (émir du Trarza), Sidi Baba (ministre de l’habitat), Ould Bah (ministre de l’enseignement), Ould Sidi (directeur de la caisse des prestations sociales) et d’ Ould Abeïdna (haut fonctionnaire) rejoignent Horma au Maroc. Discours de Mohamed V de M’Haïmid (revendications marocaines sur le Sahara, la Mauritanie et Tindouf).

Mai 1958 congrès constitutif du Parti du Regroupement Mauritanien à Aleg, rassemble l’UPM et l’Entente et d’autres groupes du fleuve.

1958 Fondation de la Nahda regroupant les modernistes et les nationalistes arabes

28 septembre 1958 référendum, la Mauritanie devient un Etat autonome, membre de la communauté franco-africaine sous le nom de République Islamique de Mauritanie

Mars 1959 première constitution, assemblée nationale

28 novembre 1960 proclamation de l’indépendance

Le manifeste du négro-mauritanien opprimé

FORCES DE LIBÉRATION AFRICAINES DE MAURITANIE

De la question raciale à la lutte de libération nationale

Les préoccupations contenues dans ce manifeste (manifeste des 19, février 1966) étaient les mêmes que celles de l'Union des Originaires de la Mauritanie du Sud (UOMS), lorsque ce mouvement se manifesta, en août 1957 pour défendre les intérêts de la communauté noire opprimée par la collusion Français-Arabo-Berbère.

Après avoir tiré la conclusion qu'une cohabitation politique définie dans l'égalité et la justice entre les deux communautés racio-culturelles était illusoire, les dirigeants du Parti de l'Union nationale Mauritanienne (UNM) proposèrent, eux aussi en 1961, l'intégration du Sud à la Fédération du Mali. Pour avoir exprimé des revendications aussi légitimes, des mesures édictées par le gouvernement de Ould Daddah les faisaient assigner à résidence dans le Nord en février 1961. En tout cas, dans l'histoire politique de ce pays, le système beydane n'a encore jamais désavoué les revendications chauvines pour une intégration de la Mauritanie à la "Nation arabe". Au contraire. Pour preuve, les propos d'un ancien ministre des Affaires Etrangères de O/ Daddah, Hamdy O/ Mouknas. Celui-ci déclarait en 1974 dans une interview accordée au journaliste italien Attilio Gaudio, le directeur du journal "Remarques Africaines" que la France avait commis une erreur politique en intégrant la Mauritanie à l'AOF. Selon lui, ce pays n'a rien à voir ni culturellement, ni historiquement avec cette région ouest africaine !!! Comme pour lui donner raison, l'actuel président Maouya tenait le même genre de propos dans une interview accordée à François Soudan et Mohamed Selhami et publiée dans le spécial Jeune Afrique (25 décembre 1985 - 1er janvier 1986) : "... La Mauritanie doit renouer avec ses traditions ancestrales basées sur le nomadisme. Sédentariser à tout prix notre peuple, ce serait tuer l'essence de notre patrimoine culturel". Sans commentaire.

Tous ces propos ont été tenus par des prétendus dirigeants d'un pays multinational et pluriculturel. Tous ces discours prouvent que ces "dirigeants" sont incapables de transcender leur dimension raciale et ethnique propres pour se situer au dessus des communautés aux intérêts si divergents.

Au cours des années 1960 - 1965, le néocolonialisme français raciste, pro-beydane commença à être remis en cause par une génération de jeunes intellectuels beydanes ayant séjourné pour la plupart au Moyen-Orient. Ces jeunes étaient revenus en Mauritanie idéologiquement intoxiqués par le national - chauvinisme nassérien et baasiste. Ils trouvèrent en la communauté beydane un terrain favorable à la diffusion de leurs idées.

En effet, la communauté, en crise d'identité culturelle, était psychologiquement réceptive à toute théorie qui pouvait l'intégrer à un monde auquel elle avait toujours rêvé être assimilé : le monde arabe.

C'est d'ailleurs son droit le plus absolu de s'identifier à n'importe quelle culture. Mais son droit s'arrête là.

C'est dès cette période que cette nouvelle génération de beydanes panarabistes commence à influencer réellement la vie politique et culturelle en Mauritanie. L'orientation panarabiste et chauvine du beydanisme (Apartheid mauritanien) va ouvrir désormais le pays au monde arabe. Le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, la Libye, l'Egypte, l'Irak, la Syrie, le Koweït, l'Arabie Saoudite s'évertuent, à qui mieux mieux, à faire disparaître la partie nègre du pays. La Mauritanie et le Soudan ne sont-ils pas perçus comme les deux plaies de la Ligue Arabe parce qu'habitées par des populations non arabes qui rejettent toute idée d'assimilation et d'intégration.

Ce courant chauvin et raciste beydane va encourager la promulgation des lois 65-025 et 65-026 de janvier 1965 rendant l'arabe obligatoire dans les enseignements primaires et secondaires. La grève des élèves noirs et les événements raciaux de février 1966 sont une des conséquences de l'application de ces lois. Mais les causes réelles de ce conflit racial sont lointaines. Elles sont les mêmes que celles qui furent à l'origine des manifestations de sécession dans les années 1957, 1958, 1959 et 1961 : l'oppression raciale et culturelle contre les Noirs. La communauté négro-mauritanienne était pleine de frustrations politiques, culturelles, sociales et économiques qui ne pouvaient s'exprimer que par une explosion de violence, de haine. Aujourd'hui, ces sentiments sont multipliés par 100. Aucun noir, quelle que soit sa situation sociale, politique n'y échappe. Mais le drame est que le système beydane n'en prend pas conscience. En tout cas, le système beydane (SB) n'a tiré aucune leçon positive de ces événements raciaux. Quelle que soit la faiblesse tellurique, après un tremblement de terre, on doit s'évertuer à reconstruire sa maison sur des fondations solides et durables, avec des matériaux mieux adaptés. On ne peut se contenter de colmater les brèches occasionnées par une première secousse. Sinon à la seconde, la maison ne sera plus habitable. Il faudra alors la détruire. Cette secousse peut venir à tout moment, quelques années après la première secousse. Mais elle viendra quand même.

Le colonisateur français avait choisi la nationalité beydane comme l'ethnie "guide" de ce pays. Une preuve parmi tant d'autres : les propos du gouverneur Chazal qui, à l'occasion des élections de 1947, mettait Abdallah O/ Cheikh Sidya en garde contre la campagne que menaient les originaires du Fleuve auprès de leurs populations. Il écrivait : "... Les Noirs s'organisent activement dans le Fleuve. Si vous ne mobilisez pas vos hommes et vos femmes à l'occasion de ces élections, ils remporteront la victoire et gouverneront alors ce pays qui vous appartient" !!!

Pour la France, la Mauritanie appartient donc aux Beydanes qui seuls doivent la diriger. Cette opinion n'a pas évolué de nos jours. C'est pourquoi, dans leurs relations avec eux, les Noirs ne doivent jamais perdre de vue cet aspect. Par principe, ils doivent voir en la France et les Français des ennemis de la communauté négro-mauritanienne. Les Français vont aider par conséquent les premiers éléments de la classe politique beydane naissante à s'engager dans ce processus de domination à l'occasion du Congrès d'Aleg en mai 1958. Pour O/ Daddah et ses amis, il fallait assurer un monopole politique de leur communauté pour garantir la prétendue sécurité dans un environnement géopolitique et culturel (Afrique de l'Ouest) dont elle ne s'identifie pas. D'où les réactions primaires de la Nahda des Moustapha O/ Salek, Ahmed Baba Miske et autres dont les préoccupations racistes et chauvines se résument dans les propos de O/ Mouknass.

Donc la classe politique beydane avait compris aussi très tôt qu'il ne suffisait pas de contrôler le pouvoir politique pour assurer une domination définitive de sa communauté dans ce pays. Avec l'aide de l'appareil politique hérité du colonisateur français, il a mis en oeuvre un programme de contrôle de l'économie et du commerce, de l'administration, de l'éducation et de la formation.

Cette beydanisation se retrouve également dans la volonté unanime, pour le système beydane (SB), de nier les spécificités tant culturelles qu'organisationnelles. Le SB cherche à mouler systématiquement toutes ces spécificités dans une société globale beydane - arabe "idéologisée", au sein de laquelle est imposé le mythe de la prétendue majorité maure. C'est pourquoi, il s'est toujours arrangé, depuis 1960, à ce que les taux de représentativité entre Beydanes et Noirs dans la population mauritanienne soient demeurés les mêmes : 80 % pour les premiers, 20 % pour les seconds. L'opinion des Noirs se pose toujours la question de savoir pourquoi les régimes qui se sont succédé depuis O/ Daddah s'abstiennent encore de publier les résultats du recensement de la population mauritanienne effectué en 1977. Des porte-parole de la classe politico-"bourgeoise" beydane prétendent que si on les publiait, les Noirs réagiraient violemment en apprenant que leur communauté représentait réellement moins de 15 % de la population totale. Mais cela fait vingt ans que le pouvoir beydane donne des chiffres officiels compris entre 15 et 20 %. Ils n'ont pas protesté. Pourquoi alors protesteraient-ils devant des chiffres pareillement défavorables ?

En Mauritanie, une seule Communauté a intérêt à ce que les résultats réels du recensement de 1977 ne soient pas publics, c'est la beydane .

Les Noirs, quant à eux, sont convaincus que ce recensement a révélé le contraire de ce qui est habituellement dit, à savoir :

- que les négro-mauritaniens sont majoritaires ;

- que l'élément haratine est majoritaire au sein de la communauté négro-arabo-berbère (NAB) ; Trois principales raisons amènent à cette conviction :

1°/ un taux de fécondité beaucoup plus élevé chez les Négro-mauritaniens (Haratine, Soninke, Haalpulaar, Wolof, Bambara) ;

2°/ la Polygamie qui est pratiquée presque exclusivement en milieu noir ;

3°/ l'instabilité du ménage beydane en général caractérisé par un taux relativement important de divorces

Evidemment le SB a toujours cherché à modifier la nature des choses. O/ Daddah avait tenté d'interdire la polygamie !

Actuellement, les administrations des ministères de l'intérieur (gouvernorat, préfectures, arrondissements) et de la Justice ont trouvé une autre solution pour ne pas avoir un nombre important de Noirs sur les registres d'Etat Civil : le certificat de nationalité ; car dans l'esprit des Beydanes, tout noir en Mauritanie est d'origine sénégalaise, malienne ou guinéenne !!! [Ils prétendent que les territoires de l'actuelle Mauritanie étaient inhabités à l'arrivée des Arabes. Nos ancêtres Tekruriens doivent remuer dans leurs tombes ! Supposons que les Noirs soient originaires du Sénégal, pays séparé de la Mauritanie par un fleuve, que pourrait-on dire des Beydanes (qui se réclament Arabes) et qui viendraient de l'Arabie, pays distant de près de 10 000 Km à vol d'oiseau ? L'Afrique est le berceau des Noirs, pas des Arabes]. Par contre, pour gonfler les chiffres de la population beydane, on octroie la nationalité aux Touaregs (Mali, Niger) et aux Sahraouis. Ces derniers, tantôt vont grossir les rangs du Front Polisario, tantôt reviennent à Nouadhibou, Zouérate, Fdérik où ils ont la priorité sur les Négro-mauritaniens dans l'embauche. Chinguetti, Ouadane, Atar, Fdérik, Zouérate et Nouadhibou sont les centres où ces "mauritaniens" de circonstance viennent établir leurs pièces d'identité.

Le système beydane a toujours établi un lien entre le poids démographique et l'antériorité de l'occupation de l'espace, d'une part, la légitimité de son hégémonie, d'autre part. La démographie et l'antériorité justifient la légitimité de son hégémonie. En réalité la nationalité arabo-berbère ne trouve sa légitimité que dans la violence de son pouvoir exprimée sous toute les formes. Elle ne peut se référer ni à l'histoire, car les Noirs sont les autochtones de ce pays, ni au nombre, car dans la réalité, elle est minoritaire. Mais pour les Noirs, le fait d'être majoritaire et de se référer à une antériorité de l'occupation ne suffisent pas pour contrôler ce pays. L'Afrique du Sud est un exemple édifiant. Les Afrikaners sont d'origine européenne. Ils représentent 3 millions sur les 25 que compte le pays. Mais, ils sont arrivés à dominer celui-ci par le moyen de la violence politique, policière, militaire et par la domination économique.

De nos jours, même le semblant d'équilibre arithmétique n'est plus respecté par le SB. De mieux en mieux structuré, grâce à ses nouveaux cadres (souvent formés à la hâte pour remplacer les Noirs), ses moyens financiers obtenus grâce à une politiques de crédits par complaisance et à l'aide arabe, le SB se sent plus puissant et plus confiant. Ce sentiment de puissance fait qu'il ne se fait plus de scrupules dans ses attitudes chauvines et racistes. Le racisme et le chauvinisme officieux sont devenus la ration quotidienne des Noirs : c'est la beydanisation ou l'Apartheid mauritanien. Il se pratique à tous les niveaux de la vie politique, sociale, culturelle.

C'est ce que nous allons montrer dans les chapitres suivants.

1-POLITIQUE

A/ LA REPARTITION ETHNIQUE DANS LES GOUVERNEMENTS

En Mauritanie, c'est la Palissade que de dire que les Beydanes croient que ce pays leur appartient exclusivement. Bien sûr, les Français les ont aidés tellement à y croire que leur mentalité collective exclut désormais catégoriquement l'éventualité de la nomination d'un Négro-mauritanien à la magistrature suprême. D'où le postulat : la Mauritanie ne doit être dirigée que par un Beydane.

Les gouvernements qui se sont succédé entre 1958 et 1985 n'ont jamais été représentatifs de la diversité raciale.

GOUVERNEMENT DE FÉVRIER

1966 GOUVERNEMENT DE FÉVRIER

1986 Ministres

Directeurs de cabinet

Ministres Secrétaires Généraux

et Directeur cabinet président

Noirs 2 1 3 2

Beydanes 9 11 10 13

TOTAL 11 12

(y compris celui du président) 13 15

(dont le secrétaire du gouvernement les 2 directeurs de cabinets)

Entre 1960 et 1986, le quota du tiers (1/3) et du quart (1/4) réservé aux Noirs est resté le même. Et pourtant, Haratines, Haalpulareen, Wolof, Sooninke et Bambara ont dix fois plus de cadres compétents, ayant une haute conscience d'Etat plus que les Beydanes chez qui le tribalisme est encore fortement ancré. En effet, chez ces derniers, la tribu prime sur l'Etat. La tendance actuelle, pour le système beydane, est de réserver certains ministères ou certaines directions exclusivement à des cadres beydanes.

B/ LES MINISTERES A TENDANCE EXCLUSIVEMENT BEYDANE

Le critère de désignation est donc celui de l'appartenance raciale et culturelle.

1°/ Justice et Affaires Islamiques

La réforme de 1973, prenant en considération les objectifs du congrès du parti du peuple Mauritanien (PPM) de 1971, avait décidé "l'arabisation des ministères qui n'ont pas un caractère technique et qui sont en relation directe avec l'ensemble de la population, comme par exemple la Justice et l'Intérieur". Comme si l'ensemble de la population mauritanienne était arabo-berbère. En tout cas Maouya O/ Sidi Hahmed O/ Taya et Hamdi O/ Mouknass ne disent pas le contraire.

Depuis sa création en 1976, le ministère de la Justice et des Affaires Islamiques n'a jamais été dirigé par un Négro-mauritanien. Dans ce pays, tout ce qui relève du domaine de l'Islam et de ses activités au sein du gouvernement et des organismes internationaux (Ligue Islamique) est réservé exclusivement à la communauté beydane. L'Islam recommande l'unité de tous les musulmans au sein de la Umma, sans distinction de race, d'origine ethnique et sociale. On peut s'appuyer sur la Tradition du Prophète en citant certains Hadiths, entre autres : "le musulman est le frère du musulman, il ne lui fait pas d'affront, ne le laisse pas à l'abandon, ne lui ment pas ; pour tout musulman, la richesse, les biens et le sang d'un autre musulman sont sacrés. Là est la piété (et le [Prophète] indiqua son coeur). Il suffit, pour un homme, de mépriser son frère musulman, pour qu'il soit dans le mal" rapporté par Al-Tilmidhi, d'après Abû Hurayra ; et : "L'un de vous n'est pas croyant tant qu'il n'aime pas pour son frère croyant, ce qu'il n'aime pour lui" - rapporté par les deux cheikhs, d'après Ibn Malik.

Par contre, les Arabo-berbères en général pratiquent l'Islam avec une forte teinte de racisme, de chauvinisme et d'obscurantisme. Leur arabisation les a amenés à croire qu'ils sont les dépositaires de cette religion en Afrique de l'ouest. Ce qui les grise et les amène à adopter une attitude qui laisse percer une pointe de "supériorité" raciale. On ne peut oublier la lettre que le Cheikh Ahmad Al-Bakkay Al-Kunti de Tombouctou a écrite à Ahmadou Ahmadou Barry Emir du Macina : "Jamais personne ne s'est avisé d'établir une autre Sunna que celle de l'Apôtre d'Allah, ni parmi les Arabes (blancs), ni parmi les Etrangers blancs, ni à plus forte raison par les Noirs" ; ou le poème écrit par Abdallah Cheikh Sidya à l'intention du cadi de Boghé Amadou Moktar Sakho : "la couleur de sa peau (noire) ne diminue point la valeur de son savoir" ["Qaadi el Jinaani" Abdallah O/ Cheikh Sidya]. Ces passages rendent un son bien particulier connu chez les Arabes : celui d'une supériorité culturelle et religieuse, le Coran ayant été révélé à un Arabe "blanc", en "langage clair", la langue arabe. Le complexe du peuple élu n'est pas l'apanage des Juifs.

En Mauritanie, dans le domaine de la justice, on a fait table rase de tout ce qui n'est pas arabo-islamique. Actuellement toute la justice est arabisée. Même le colonisateur français avait eu plus de scrupule en créant des tribunaux pour Noirs dirigés par des Cadis noirs et des tribunaux pour Beydanes dirigés par des Cadis beydanes. Sur l'ensemble de la Mauritanie, il n'existe qu'un seul Cadi négro-mauritanien, celui de Boghé. Or, les Cadis jouent un rôle important dans les jugements concernant certains types de conflits opposant Noirs et Beydanes (terres de culture, esclavage, etc). La justice beydane a un principe : elle ne prend jamais partie contre un Beydane.

Sur les cinq mosquées officielles (appartenant à l'Etat), que compte la ville de Nouakchott une seule est dirigée par un Négro-mauritanien. Celui-ci a été désigné après des tractations, parce que les Beydanes ne voulaient pas d'un Noir imam. Rares sont les Beydanes qui acceptent d'être dirigés dans leurs prières par un Négro-mauritanien.

2°/ Affaires Etrangères et Coopération

C'est la deuxième chasse gardée de la classe politique beydane. Il n'a pas été dirigé par un Négro-Mauritanien depuis 1967, avec Wane Birane Mamadou. C'est dans la logique des choses. Le SB veut donner à la Mauritanie une image extérieure blanche, arabe . Cela correspond à l'orientation politique et idéologique pararabiste exprimée par cette génération d'intellectuels chauvins nassériens et baassistes dont on a fait cas plus haut. En 1967, ils ont fait des pressions pour que la Mauritanie quitte l'OCAM et l'OUA parce qu'elle n'était pas membre de la Ligue Arabe !! Elle quittait la première organisation sous prétexte d'anticolonialisme. Mais O/ Daddah n'a pas trouvé d'arguments valables pour quitter la seconde, d'autant que tous les pays maghrébins y adhéraient.

Pour répondre à cette nouvelle vocation panarabiste, la classe politique beydane a donné à la Mauritanie une politique étrangère essentiellement orientée vers le monde arabe.

On était loin de l'atmosphère sécessionniste du Congrès d'Aleg pendant lequel il fallait "composer" avec ces nègres qui entendaient encore résonner les appels à la réunification avec le Sénégal. A l'ouverture du Congrès d'Aleg, le 2 mars 1958, le vice-président du Conseil du gouvernement, Moktar O/ Daddah était obligé de tenir ce langage, même s'il n'y croyait guère : "Si la Mauritanie veut jouer pleinement le rôle de trait d'union auquel la vouent sa position géographique, ses traditions, sa dualité ethnique, elle ne peut s'intégrer trop intimement à l'un de ces deux pôles qu'elle est chargée de mettre en contact ..."

Département AFRIQUE MOYEN-ORIENT ASIE AMÉRIQUES EUROPE

ou s/région Noire du Nord Arabe N-Arabe Nord Sud + Centre Est Ouest

Nombre de pays 46 5 12 3 16 2 20 9 16

Ambassades 4 5 6 1 1 1 0 2 4

Consulats 5 2 1 0 0 0 0 1 3

Total 9/46 14/ 17

Bien qu'il y ait une proportion importante de cadres négro-mauritaniens arabisants, ayant tous fait leurs études dans les universités arabes , le système beydane se garde d'en envoyer comme Ambassadeurs dans le monde arabe.

NÉGRO-MAURITANIENS BEYDANES TOTAL %

Ambassades 5 20 25 25 %

Consulats 1 10 11 9,09 %

Administration Centrale (Secrétaire général, Directeur de département, conseillers, chef de protocole)

2

6

8

25 %

La politique de désinformation a si bien réussi que partout dans le monde on croit que la population de la Mauritanie est arabe à 100 % - quel est le Noir membre d'une délégation mauritanienne qui n'a pas été victime de cette méprise dans les pays arabes ? "vous êtes mauritanien, vous êtes Arabe, donc vous parlez arabe"!!

La politique étrangère ne répond guère aux préoccupations politiques et/ou réelles du fameux slogan : Mauritanie, trait d'union entre le monde noir et le monde arabe.

3°/ Ministère de l'Intérieur : administration territoriale

Il est devenu une tradition de nommer de plus en plus de Beydanes dans le Sud, à des postes de gouverneurs, de préfets et de chefs d'arrondissements. Ce qui inquiète beaucoup les populations qui font l'objet d'exactions, d'injustice, d'humiliations qui rappellent à n'en pas douter les comportements des commandants de cercle à l'époque coloniale.

GOUVERNEURS PRÉFETS TOTAL

Noirs 2 16 18

Beydanes 11 39 50

Total 13 soit

15,38 % de Noirs

50 soit

32 % de Noirs 68 soit 26,47 %

dans le commandement territorial

La nomination d'administrateurs beydanes vise des objectifs très dangereux pour les populations du Sud. Nous parlerons de deux principalement :

a) les barrières administrative, policière et douanière

Elles visent à rompre tout lien entre les habitants des deux rives habitées par les mêmes familles, wolofs dans la Basse vallée, Haalpulaaren et Soninke dans la Moyenne vallée, Soninke dans le Haut-Sénégal.

On ne peut empêcher un Walo-walo de vivre librement à Brenn, à Rosso Sénégal, à Gae-Gani, à Rosso Mauritanie, à Dagana. Le Waalo est un - c'est sa patrie historique.

On ne peut empêcher un Fuutanke de vivre librement à Tekane, à Podor, à Wocci, à Hoorofonde, à Bokkijawe, à Kaédi, à Matam. Le Fuuta est un - c'est sa patrie historique.

On ne peut, enfin, demander à un Gidimaxanke de ne pas vivre librement à Wompu, à Bakel, à Boully, à Gemou. Le Gidimaxa est un - c'est sa patrie historique.

Malgré les frontières coloniales qui divisent leurs territoires de parcours, on ne peut empêcher les Hel Barikallah, les Rgeibat, les Hel Mohamed Fadel ou les Tekna de se sentir mauritanien et saharouis. L'Etat beydane favorise cette politique d'assimilation en octroyant à des Rgeibat ou Tekna saharouis la nationalité mauritanienne alors qu'il pratique dans le Sud, pour des réalités historico-culturelles encore plus complexes, une politique discriminatoire : - Aux habitants de la rive droite (mauritanienne) on applique une malthusianisme administratif (voir plus haut) ;

- Aux habitants de la rive gauche (sénégalaise), on applique une politique de refoulement et d'endiguement administratifs.

Tout sooninke est chez lui en Mauritanie, au Sénégal et au Mali. Tout Fuutanke, tout Waalo-waalo est chez lui en Mauritanie et au Sénégal. La Mauritanie a été créée sur l'ancien Tekrour, terre où se sont créées, puis individualisées et développées ces trois nationalités.

b) le deuxième objectif de l'Etat beydane dans le Sud est la confiscation des terres alluviales du fleuve Sénégal. En effet, celles-ci prennent de plus en plus une importance économique considérable pour la classe politico-bourgeoise, du fait de la sécheresse et à cause de la régulation et de la rétention des eaux du fleuve Sénégal (Diama, Manantali). Nous y reviendrons dans le chapitre consacré à l'économie.

2-L´ECONOMIE

En Mauritanie, il est incontestable que l'économie (industrie, commerce, banque immobilier, pêche, etc) est contrôlée presque entièrement par le Bourgeoisie compradore beydane. Certains se posent la question de savoir pourquoi et comment une nationalité qui, il y a une vingtaine d'années se situait au même niveau économique et social que la communauté noire, est arrivée à contrôler l'économie de ce pays.

L'opinion ignore certainement les réalités que voici :

- jusque dans les premières années de la décennie 1960 - 1970, le monopole du commerce était partagé entre les commerçants Sooninke, Haalpulaaren, Libano-syriens et Beydanes ; - le commerce du bétail dans le bassin arachidier, pendant la période coloniale ne concernait pas uniquement les Beydanes. Les Fulbe du Fleuve Sénégal (les deux rives) et ceux du Ferlo étaient particulièrement concernés ;

- après l'indépendance, ce sont particulièrement des commerçants haalpulaar( anciens propriétaires de bétail concernés par cette commercialisation) et Sooninke dioula anciennement installés en AOF, en AEF et dans les colonies anglaises de la Gambie, de la Sierra Leone et en Guinée Bissau qui ont ouvert les marchés de la Capitale et du Ksar. Entre 1967 (après les événements raciaux) et 1983, presque tous ont fini par abandonner leurs magasins et boutiques sous la pression de la guilde beydane, que l'aide des banques et des services du commerce . Aujourd'hui, au marché de la capitale, les commerçants noirs ne sont plus que trois !!

- si le don du commerce existe, celui des Sooninke est encore certainement plus remarquable. Il est légendaire. Cette nationalité contrôlait le commerce entre le Sahel et la zone forestière à l'époque des Empires de Ghana (XIe siècle), du Mali (XIII - XVIe siècle) et de Gao (XIV - XVIe siècle). De nos Jours, ce sont des commerçants de cette nationalité qui monopolisent en général le commerce en Afrique de l'Ouest. On les retrouve en Afrique Centrale et Australe dans le trafic de l'or et du diamant avec l'Europe. On se demande pourquoi ils n'arrivent pas à s'exprimer en Mauritanie, leur patrie historique.

Un tel renversement de situation trouve, en réalité, son explication au sein de la question nationale. Une communauté raciale, culturelle ou sociale qui agit par égoïsme contre les intérêts généraux du pays ne peut assurer durablement sa domination sur les autres, si elle ne contrôle pas en même temps la superstructure (politique, culture) et l'infrastructure (économie). Il y a cohésion dans la domination lorsque chacun des trois facteurs (politique, culture, économie) garantie le maintien de l'autre. Quand l'un fait défaut dans le maintien de la domination, l'efficacité et la durabilité du système ne sont plus garanties. Le renversement de cette situation dont nous avons parlé plus haut n'est que le résultat d'une concertation de politique globale dont l'exécution a commencé depuis quelques années, et qui vise à faire contrôler par la communauté beydane avec comme avant-garde sa bourgeoisie compradore, les secteurs économiques et culturels déterminants dans ce pays.

A/ LES CONDITIONS DE FORMATION DE LA BOURGEOISIE BEYDANE

Deux facteurs importants ont contribué au déclenchement du processus de domination et à son accélération :

- la volonté politique du système beydane (SB) qui s'est traduite par une pratique sournoise de discrimination raciale dans l'emploi (politique, administratif et manoeuvrier) ; - le système des "prêts" discriminatoires.

1°/ La discrimination dans l'emploi

Un proverbe chinois dit : "Si vous donnez un poisson à quelqu'un, vous l'aidez à vivre - si vous lui montrer comment pêcher, vous lui apprenez à vivre".

En donnant de préférence du travail à un Beydane, l'Etat apprend à celui-ci à vivre et à être à un niveau social supérieur au Noir à qui on refuse du travail, à cause de la couleur de sa peau et de sa culture.

En 1985, le pouvoir d'achat considéré globalement est beaucoup plus important chez les Beydanes que les Noirs (Haratin, Sooninke, Wolof, Bambara, Haalpulaaren), au double point de vue du volume salarial que du volume de la population salarié. Cette situation résulte de cette politique de discrimination raciale qui frappe les Noirs dans l'emploi depuis quelques années. Cette discrimination est observable à deux niveaux de l'emploi.

a) Catégories moyennes et inférieures des secteurs administratifs et politiques et classe ouvrière

Tous les secteurs publics et parapublics sont concernés. Nous prendrons quelques exemples :

a-1 : les banques : (BCM, BIMA, BMAA, SMB, BALM, BMDC, BAMIS). Il suffit de visiter ces banques pour s'en rendre compte. Dans certaines, les Noirs représentent entre 2 et 5 % des effectifs (BALM, SMB, BCM, BMAA).

Au mois de janvier 1986, pour recruter des agents, la Banque Islamique (BAMIS) avait exigé des candidats à l'emploi la connaissance et la pratique de l'arabe : être bilingue. En Mauritanie, cette expression est devenue l'équivalent du mot de passe pour pénétrer dans la caverne d'Ali baba : "Sésame ouvre - toi". Elle est le moyen "magique" pour donner du travail aux Beydanes, et pour barrer le chemin en même temps aux Noirs. Sur les 36 recrutés en fin janvier, il y avait un Nègre mauritanien (NM). Evidemment, la connaissance de la langue arabe a été un prétexte pour occulter les intentions discriminatoires et racistes de cette banque. Et pourtant, celle de Dakar n'a pas exigé à ses agents la connaissance et la pratique de l'arabe. Le français est la langue de travail au sein de cette banque. Plus grave : le siège de la Banque Islamique se trouve aux Bahamas (Antilles anglaises).

a-2 : Santé publique : dans ce secteur, ce sont les théories du Dr Hassan dit Petit Hassan et de Mohamed O/ Deh, édictées lors du séminaire sur la santé à Atar en octobre 1983 qui ont force de loi. Selon ces deux idéologues, "il y aurait trop de Noirs dans le secteur de la santé publique. Et puisque les médecins, infirmiers et sages-femmes noirs ne parlent pas en général l'arabe, donc ne peuvent pas communiquer avec les malades beydanes, il faudrait former rapidement un personnel arabisant (beydane) pour les remplacer". D'où la formation accélérée d'un personnel "arabe" à l'hôpital de Nouakchott et en Irak. Les Noirs doivent soigner les Noirs, les Beydanes les Beydanes !!! C'est l'apartheidisation de la Santé !!

En somme, cette arabisation a pour finalité le remplacement à long terme du personnel négro-mauritanien. Il faut trouver tous les moyens, tous les subterfuges pour donner du travail aux Beydanes qui n'en n'ont pas.

a-3 : L'émigration organisée dans les pays arabes : la presque totalité des mauritaniens qui ont été recrutés pour servir comme ouvriers, bergers, policiers dans les Emirats Arabes Unis sont des Beydanes.

b) Les fonctions supérieures politiques, administratives, économiques et militaires Il s'agit donc des postes de responsabilité dans l'administration, la politique, les sociétés d'Etat, l'arabe.

b-1 : la bourgeoisie d'origine politico-adminsitrative : la conséquence principale à ce niveau est la formation d'une bourgeoisie politico-administrative composée essentiellement d'anciens cadres moyens et supérieurs. Ceux-ci, ayant occupé jadis des fonctions importantes (Ministres, secrétaires généraux, Ambassadeurs, Gouverneurs, responsables de directions administratives, directeurs de sociétés d'Etat et de banque etc) ont su accumuler d'importants capitaux obtenus dans presque tous les cas par détournements impunis. Ces importantes sommes de l'Etat détournées, sont investies dans l'immobilier, le commerce et plus récemment dans l'industrie. Cet argent a servi de capital de base pour les activités économiques de cette néo-bourgeoisie d'origine administrative et politique. Les sociétés privées représentatives de cette catégorie sont : SAFOR, SOMAFOR, SLAM, Béni Chaab, Deco-meubles, Etablissement EMEL, etc...

b-2 : La bourgeoisie d'origine politico-militaire :

Elle est née de la guerre du Sahara. Certains de ses membres se sont enrichis soit en détournant les budgets des régions militaires qu'ils commandaient, soit en recevant des bakchich lors des commandes militaires. Lt Colonel Brahim O/ Alioune N'Diaye (actuel ministre du commerce), Lt Colonel Gabriel Saint Père alias Djibril O/ Abdallah (actuel chef d'Etat Major national), Mohamed O/ Louly (ancien président du CMSN) en sont les représentants types. Ce fut la première génération. La deuxième est apparue avec l'avènement des militaires au pouvoir : Commandant Mohamed Mahmoud O/ Deh (actuel Permanent du CMSN impliqué successivement dans des trafics illégaux de marchandises du temps où il était Directeur des Douanes (il fut le premier à organiser un réseau clandestin de vente de vidéocassettes en provenance de Las-Palmas), dans l'affaire des commandes de la Pharmacie du temps où il était ministre de la Santé ; Lt colonel Brahim O/ N'Diaye au district de Nouakchott (commandes de matériels de voirie, vente de lotissement) ; Commandant N'Diayane (actuel Commandant de la 6e région militaire) dans l'affaire du Port de Nouakchott et dans celle du ministère de l'équipement, affaire qui concerne en premier lieu le Lt Colonel Djibril O/ Abdallah, etc...

Tous ces officiers qui ont volé l'Etat restent impunis. Et pourtant quelques rares militaires et civils négro-mauritaniens qui ont commis ce genre de forfaiture ont été emprisonnés, jugés, humiliés et mis en demeure de rembourser des sommes détournées. Dans souvent des cas, ces Noirs ne sont que les victimes de machinations politico-administratives visant à briser leurs carrières et de les humilier au yeux de l'opinion. A-t-on vu des Beydanes jugés et emprisonnés pour cause de détournement ?

Cette volonté de favoriser la communauté beydane dans l'emploi, qui est pour la majorité une source d'enrichissement, est renforcée par le système de prêts bancaires par complaisance. 2°/ - Les prêts bancaires

Ils sont déterminants dans l'enrichissement et le renforcement économique de la bourgeoisie compradore beydane (BCB). Ces prêts permettent aux éléments de cette bourgeoisie d'investir dans le commerce, l'industrie et l'immobilier. La discrimination raciale dans le système des prêts bancaires aide la BCB à étouffer toute tentative d'épanouissement économique d'une bourgeoisie négro-mauritanienne (BNM), car le système beydane craint que son développement ne remette en cause l'hégémonie de sa communauté. Les facilités bancaires accordées aux concessionnaires FIAT, HONDA et RENAULT, aux grands commerçants Sidina O/ Berrou (SOB), Nouegued et autres illustrent bien cette politique . On ne peut donc admettre la théorie de l'existence d'une bourgeoisie nationale qui transcenderait le facteur épidermique pour ne privilégier que la solidarité économique. En Mauritanie, il existe deux bourgeoisies raciales : la Noire et la Beydane. La première est handicapée financièrement par le fait qu'elle n'a jamais bénéficié d'un soutien politique, contrairement à sa rivale beydane.

A propos des facilités bancaires, les plus connues qui ont défrayé la chronique populaire sont celles accordées à O/ Mogueya (800 millions d'UM), Boucheïba (700 millions, puis 45 millions) . En plus des facilités financières, l'Etat beydane fait gagner à sa bourgeoisie la quasi-totalité des gros marchés (construction d'immeubles, de routes, de barrages, d'usine, etc, transports de matériels de construction, des dons alimentaires etc) par le moyen de corruption et de pressions administratives.

Au sein de cette bourgeoisie beydane, il existe des lobbies. Chacun est lié à un lobby politique qui lui accorde des privilèges financiers et commerciaux. Le groupe qui était lié par exemple au régime de Haïdallah avait permis à Sidi O/ Abdallahi de racheter les actions détenues par l'Etat mauritanien à la BAAM (Banque Arabe et Africaine de Mauritanie) qui est devenue la BMAA (Banque Mauritanienne Arabe et Africaine). D'autres transactions lui permirent de racheter les actions de l'Etat à la SPPM (Société pour la Promotion de la Pêche de Mauritanie). L'Etat lui a revendu pour une bouchée de pain tout l'armement de pêche. Principal actionnaire, il est également le principal employé de cette société avec un salaire de 200 000 UM et des indemnités de 80 000 UM. Il loue ses locaux et ses voitures à la société. La SOCOMETAL (Renault) et la Honda se partagent près de 80 % des commandes automobiles de l'Etat.

Outre l'Etat, la communauté beydane et sa bourgeoisie bénéficient de l'aide des pays arabes. Cette aide prend un caractère officiel à travers les recrutements de travailleurs qui sont envoyés dans ces pays, et à travers différents investissements orientés vers des projets qui ne concernent que les régions habitées par les Beydanes : Adrar, Tagant et Assaba surtout (agriculture, centres hospitaliers, projets de construction, de routes bitumées, d'établissement d'enseignement). Nous reviendrons sur les aménagements agricoles dans le chapitre consacré à l'agriculture.

En attendant, venons-en à l'aide officieuse qui se traduit par des "prêts" accordés par certaines banques comme la BALM et la BAAM.

3°/ L'aide arabe

Entre 1970 et 1980, des pays arabes (Arabie Saoudite, Koweït, Irak, Libye, Emirats Arabes Unis, Maroc, Algérie particulièrement) ont accordé à la Mauritanie d'importantes sommes d'argent sous forme de dons et de prêts. Par l'intermédiaire de certaines banques BALM (Banque Arabe Libyenne de Mauritanie), BAAM (Banque Arabe Africaine de Mauritanie), BMDC (Banque Mauritanienne pour le Développement et le Commerce) d'importantes sommes ont été "prêtées" généreusement entre 1970 et 1974 par la Libye, le Koweït, l'Arabie Saoudite et l'Irak à des commerçants beydanes. Ce sont ces "prêts" qui ont fait de Abdallah O/ Abdallahi, Nouegued, les frères Sakaly (Abdel Hay et Ma El Aïnin), Sidina O/ Berrou (SOB), Veten, (...), Gralicoma, etc ce qu'ils sont aujourd'hui, les plus riches commerçants de la bourgeoisie compradore beydane fabriquée par le nationalisme économique arabe. En plus de ces "prêts", l'exemple devenu classique pour illustrer ce soutien économique des pays arabes est le mot d'ordre lancé pour l'achat par leurs ambassades accréditées à Nouakchott de véhicules dont les marques sont représentées par des concessionnaires beydanes : Fiat (Groupement Commercial), Mercédes (Somarem), Honda, Renault (Socométal). Les pays qui appliquent le plus ce mot d'ordre sont l'Arabie Saoudite, le Koweït, l'Algérie, la Libye, la Syrie, l'Irak et Qatar .

Comme on le voit, l'hégémonie de a bourgeoisie beydane ne résulte pas d'un dynamisme interne, d'un savoir-faire en matière économique et commerciale, mais de la volonté d'un système politique visant à faire contrôler par une catégorie sociale privilégiée l'économie du pays. La bourgeoisie beydane a bénéficié du soutien politique et financier de son système et du nationalisme arabe.

Nous avons montré dans certains secteurs (gouvernement, administration territoriale, ministères) la part réservée aux cadres noirs dans la distribution des postes de responsabilité.

Sur 33 banques, organismes et sociétés d'Etat ou semi-étatiques, seulement huit (8) sont dirigés par des Noirs (voir tableau)

Etablissements BCM BMDC SMB BALM BMAA BAMIS BIMA

Noirs + +

Beydanes + + + + +

Etranger avec adjoint Beydane Libye Egypte

Etablissements SNIM SAMIA SOMIR SAMIR SOFRIMA SMCCP SMPP ALMAP SONIMEX

Noirs

Beydanes + + + + + + + + +

Etranger avec adjoint Beydane

Etablissements SONICOB SONELEC SMAR SOCOGIM ORT OPT SOMIS WHARF CNSS SONADER

Noirs + + + + + +

Beydanes + + + +

Etranger avec adjoint Beydane

Etablissements SALIMAUREM CAA PORT AUTONOME NDB COMAUNAM SAMILIDA MOSOV SAMIP

Noirs + +

Beydanes + + + + +

Etranger avec adjoint Beydane

Ce bilan est handicapant pour la communauté négro-mauritanienne. La communauté beydane contrôle la quasi-totalité des secteurs de l'économie . Il suffit que ces commerçants et hommes d'affaires organisent un embargo commercial contre les Noirs pour que ceux-ci meurent de faim. Le commerce est devenu une arme politique et économique redoutable entre les mains des Beydanes.

Nous avons dit que l'objectif du système beydane était de contrôler systématiquement toutes les ressources de l'économie mauritanienne : banques, commerce, pêche, mines. Ayant compris l'enjeu économique que représentera l'agriculture en Mauritanie dans la perspective de l'après-barrage OMVS, il s'est attelé depuis quelques années, dispositif juridique à l'appui, à une réforme foncière en vue de contrôler les fertiles terres alluviales du fleuve Sénégal.

A/ LES TERRES ALLUVIALES DU WAALO : ENJEU POLITIQUE ET RÉFORME FONCIÈRE

L'histoire des terres du Waalo se confond avec celle des populations Sooninke, Wolof, Haalpulaaren qui habitent dans cette partie de la vallée du Sénégal. Malgré la sécheresse, les terres du wallo demeurent encore un potentiel économique inépuisable, capable de nourrir l'ensemble des populations de la vallée du Sénégal, vivant en Mauritanie, au Sénégal et au Mali. Il suffit de les réexploiter avec une utilisation rationnelle de la terre et de l'eau. Les pays concernés, cherchent, par le moyen de l'OMVS (Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal), à résoudre ce problème.

Au départ, le régime de Moktar O/ Daddah avait adhéré à l'OERS (Organisation des Etats Riverains du fleuve Sénégal) devenue plus tard OMVS pour des raisons essentiellement de politique sous-régionale. Le facteur économique ne pouvait être une préoccupation de ce régime et de la classe politique beydane en général, qui voyaient en cette organisation sous-régionale un moyen de développement économique et social du Sud. D'où le slogan "saborder l'OMVS, parce qu'elle ne profitera qu'aux Noirs". La théorie du Daddahisme sur le développement du Sud était connue : un Sud développé habité par des Noirs serait une menace politique car le Sénégal n'a jamais définitivement renoncé à ses anciens territoires de la rive droite. Un territoire pauvre n'est guère alléchant pour les esprits irrédentistes. Il faut donc maintenir un Sud appauvri, démuni et dépendant économiquement du Nord. C'est dans cette optique que l'on a orienté vers le Nord ou annulé de nombreux projets de développement industriel et agricole destinés initialement à la vallée du Sénégal :

- usine de sucre installée à Nouakchott au lieu de Kaédi,

- construction d'une route bitumée reliant Rosso à Sélibaby,

- investissements agricoles pour le Gorgol détourné vers la fameuse "opération charrue" en 1965 dans les Hodh,

- investissements de petits et moyens périmètres détournés en faveur de projets de reconstructions de palmeraies en Adrar et au Tagant, etc...

N'eut-il été l'insistance de la RFA, de la Banque Mondiale et de la république populaire de Chine, le casier rizicole de Rosso, le PPG de Kaédi et le CPB (le casier pilote de Boghé) ne seraient jamais aménagés.

A partir de 1978, un groupe de pression opposé à la participation de la Mauritanie à l'OMVS s'est constitué. Ses principaux dirigeants étaient : Mrs. Mohamed O/ Seybout (alors conseiller juridique de l'OMVS), Youba O/ Benani (alors Directeur de la Société Nationale de Développement Rural - SONADER), Mohameden O/ Baba (actuel directeur de la société susnommé), Mokhtar O/ Zamel (alors ministre du Plan), Sid'Ahmed O/ Bneïjara (alors ministre de l'économie et des finances) et Ely O/ Alaf, à l'époque Secrétaire Général de l'OMVS. Ce groupe avait publié un mémorandum qui avait la prétention de démontrer le peu d'intérêts économiques que la Mauritanie trouverait au sein de cet organisme. Selon ce document, seuls le Sénégal et le Mali allaient réellement en bénéficier.

En contrepartie du départ de la Mauritanie de L'OMVS., les pays arabes (Libye, Irak, Koweït) et le FADES. (Fonds Arabe de Développement Economique et Social) proposèrent de financer des aménagements agricoles dans des régions à dominante ou exclusivement beydanes : l'Irak avec le projet Aftout, le La SAMALIDA (société Mauritano-Lybienne de Développement Agricole) qui a confisqué tout bonnement des terres à des personnes de la région de Rosso, le FADES avec la reconstitution des oassis en Adrar, en Assaba et au Tagant. C'est dans ce cadre que le Secrétaire Général de l'AODA. (Organisation Arabe pour le Développement Agricole) a effectué une visite de travail à Nouakchott dans le courant du mois de novembre 1985.

C'est la ruée des organismes agricoles arabes vers les terres du Waalo.

Mais les tentatives pour faire quitter la Mauritanie de l'OMVS sont demeurées vaines jusqu'à ce jour. La menace d'un conflit racial et les conséquences politiques graves pour une "Mauritanie beydane" dans la sous-région sont les principales raisons qui ont empêché jusque là les gouvernements beydanes à franchir le Rubicon.

D'ailleurs la sécheresse et la famine vont faire évoluer l'opinion beydane sur les aménagements agricoles dans le sud et sur l'OMVS. Cette sécheresse a provoqué aussi un important mouvement des populations sinistrées vers les centres urbains administratifs et économiques. La vallée du Sénégal (les deux rives) est une des régions d'accueil des populations nomades et leurs troupeaux. Cette arrivée massive de populations allogènes devient une menace politique et économique pour un Sud qui se caractérise par l'exiguité des espaces utiles qui formaient déjà, avant la sécheresse, un fragile équilibre avec ses populations autochtones.

La famine, l'exode et la fixation des nomades arabo-berbères et leurs troupeaux dans le Sud sont donc les données nouvelles qui vont amener la classe politique et intellectuelle beydane à modifier son opinion sur l'OMVS et ses aménagements : la théorie de l'espace vital est née. Cette classe est d'accord pour la création des grands et petits aménagements agricoles dans la vallée, à condition qu'ils soient gérés par la SONADER (puisque cette société est contrôlée entièrement par des éléments beydanes) ; elle est également d'accord pour que la Mauritanie retrouve pleinement et entièrement sa place au soin de l'OMVS. Mais le préalable de tout ceci est la redistribution des terres alluviales du Sénégal, afin que les populations beydanes en bénéficient !!

Pour récupérer la plupart de ces terres, on recourre à trois moyens :

1/ - la réforme foncière,

2/ - les rachats des terres grâce à l'argent "prêtés" par les banques de l'Etat, le Fonds National et certains pays arabes à des commerçants et des éléments issus de la classe politico-militaire.

3/ - l'argumentation historique pour démontrer l'antériorité du beydane en terre mauritanienne.

I°/ La réforme foncière

Pour légaliser cette confiscation, le gouvernement de Haïdallah promulgue l'ordonnance n° 83 127 du 5 juin 1983 portant réorganisation foncière et domaniale.

Cette "réforme foncière" concerne particulièrement les terres de la vallée du Sénégal qui représentent la quasi totalité des surfaces aménageables indispensables à l'auto-suffisance alimentaire du pays. Mais derrière ce slogan, elle vise un double objectif.

a/ économique par la confiscation légalisée des terres au bénéfice des populations beydanes, particulièrement sa bourgeoisie compradore à qui on permet le rachat des terres

b/ politico-social en essayant d'orienter les légitimes et irréversibles revendications sociales et économiques, (mais trop inquitétantes pour le système beydane) des Haratine vers ces terres du Waalo, pour susciter des contradictions antagonistes entre les composantes de la communauté négro-mauritanienne.

On saisit difficilement cet altruisme inhabituel des Beydanes qui font miroiter les terres aux paysans haratines. On se pose la question de savoir pourquoi les oasis et les grara du Nord, du Centre-Est et de l'Est qui ont été cultivées par des générations d'esclaves dont ces paysans haratines sont les descendants ne sont pas intégrés dans ce champs de miroitement.

2°/ Le « rachat » des terres

L'ordonnace n° 83 127, notamment en ses articles 1, 3, 9, 11, 12 et 14 favorise le "rachat" des terres. A la lecture de cette ordonnance, on demeure convaincu que le législateur (qui ne peut être qu'un Beydane) ignore toutes les réalités civilisationnelles d'une société (Haalpulaar, Wolof, Soninké) pour qui la terre est à la base de la formation de sa structure socio-économique, politique et culturelle.

Il existe deux types d'exploitants qui soi-disant achètent des terres :

- des éléments de "la classe prétorienne" comme les Lt colonel Boukrraiss, O/ Alioune N'Diaye, Djibril O/ Abdallah, le commandant O/ Dey et les grands commerçants, d'une part ;

- les "coopératives agricoles" beydanes qui, dans la réalité sont des commerçants (petits et moyens) disposant de moyens financiers plus faibles, d'autre part.

Les premiers font exploiter les terres confisquées par des ouvriers agricoles (pour la plupart des haratines, mais on trouve de plus en plus de Waalo-Waalo et de Haalpulaar).

Les seconds, les "coopératives agricoles" beydanes assimilent officiellement leurs ouvriers à des coopérateurs associés, pour détourner l'esprit de la loi 67/71 du 18 juillet 1967 portant statut de la coopération.

Cette néo-bourgeoisie bénéficie des complicités financières au niveau des banques, du Fonds National de Développement et des dons arabes pour "racheter" les terres et les mettre en exploitation.

Nous saisissons l'occasion pour rappeler aux populations du Sud qu'il est formellement interdit de vendre la terre. Boycottez, bannissez, tuez s'il le faut tous ceux qui encouragent la vente des terres. Détruisez, brûlez les biens de ces étrangers qui viennent aménager sur vos terres. La terre appartient au village. La seule réforme foncière acceptable pour nous est celle qui permet la redistribution de la terre proportionnement aux besoins entre tous les membres du village.

Les pénibles conditions économiques dues à la sécheresse font des paysans du Sud des proies faciles face à la rapacité de cette bourgeoisie politico-militaire-commerçante. Le paysan du Sud, victime de malnutrition se laisse vite tomber dans le mirage des sommes, mêmes modiques, que ces requins font agiter devant ses yeux.

A cette occasion, nous stigmatisons la politique discriminatoire que le Commissariat à l'Aide Alimentaire pratique à l'endroit de la communauté négro-mauritanienne. La Mauritanie bénéficie d'une aide alimentaire internationale destinée à l'ensemble de sa population victime de la sécheresse et de la famine, et non presque exclusivement à la population beydane. Le C.A.A. est dirigé par des éléments baassistes et nassériens chauvins qui ne méritent aucunement la confiance des donateurs étrangers. Les régions à dominante arabo-berbère regorgent de produits alimentaires provenant de ces dons. Les campagnes du Sud sont celles qui reçoivent de l'aide une fois tous les deux (2) ou trois (3) ans. L'administration territoriale dans le Sud, contrôlée presque exclusivement par des Beydanes, y joue un rôle fondamental en collaboration avec le C.A.A. C'est elle qui, en effet, prétend, dans ses correspondances adressées à cette institution gouvernementale, que les populations du Sud ne sont pas sinistrées, pour qu'elles ne bénéficient pas d'une aide alimentaire. Les autorités gouvernementales concernées et le C.A.A. restent insensibles bien sûr aux protestations des populations noires.

Et pourtant, une partie de cette aide alimentaire continue d'être acheminée par des moyens détournés, vers le Sahara Occidental.

Cette situation nous oblige à réclamer la présence de représentants des organismes donateurs pour superviser et contrôler la distribution de leurs dons à l'ensemble des populations mauritaniennes sans discrimination raciale et culturelle.

c/ L'argumentation historique

Depuis quelques années des théories historiques continuent d'occuper une place importante dans la recherche de l'argumentation beydane pour chasser les Noirs du Sud et y installer cette population beydane victime de la sécheresse celle-ci, comme on le sait, est en train de chasser une importante population nomade du Nord, et du Centre-Est vers le bassin du fleuve Sénégal. Populations et bétail, émigrent vers les zones d'occupation permanente où l'agriculture est pratiquée. L'exiguité de l'espace vital et le déséquilibre démographique ont créé une situation de conflits raciaux permanents avec destruction de cultures, aggressions armées contre des paysans isolés, suivies souvent de mort d'hommes (incidents de Lexeïba dans le Gorgol en 1985). Toute réaction de défense légitime de la part des Noirs est réprimée par les autorités régionales (gouverneurs, préfets, chefs d'arrondissements, commandants de brigade de gendarmerie beydanes). Tant et si bien que les paysans n'osent guère s'attaquer au bétail destructeur. Ils n'osent même plus protéger leurs cultures par des clôtures en fil de fer barbelés . Le dromadaire maure est devenu le fléau numéro un des cultures du Jeeri et du Waalo, bien avant les phacochères, les cinocéphales et les sauteriaux.

Certaines familles nomades se sédentarisent dans les villes de Rosso, Bogué, Kaédi, Bababe, M'Bagne, Magama, Sélibaby, Gouraye etc.... Les administrateurs beydanes leur distribuent gratuitement des lots de terrains de construction sur les terres de culture des Kollade et du Jeeri (à Boghé, Kaédi, Sélibaby, Bababé, etc) : ce sont les Jedida. Mais cela ne suffit pas. On cherche maintenant à confisquer les terres de cultures dont les familles propriétaires sont connues depuis des siècles pour les distribuer aux nouveaux venus sous prétexte qu'ils sont victimes de la sécheresse. Mais, les Noirs ne le sont-ils pas ? Les administrateurs interprêtent malhonnêtement l'ordonnace en leur faveur ; son article 1er, par exemple qui prétend que "la terre appartient à la nation et tout mauritanien, sans discrimination d'aucune sorte, peut, en se conformant à la loi, en devenir propriétaire, pour partie".

Face aux réactions de défense des intérêts vitaux des Noirs, l'intelligentsia beydane se met à inventer des théories historiques pour justifier les prétentions de sa communauté :

"Les Noirs de Mauritanie sont des descendants d'anciens footballeurs immigrés du Mali, du Sénégal et de Guinée" . "Les Beydanes sont les Palestiniens de la Mauritanie dont la terre a été spoliée par les Noirs qui sont leurs Juifs"!!. "La Mauritanie, seconde Palestine de la patrie arabe" !! (journal Waten El Arabian). "Les Noirs sont des Sénégalais qui ont envahi la Mauritanie" [propos d'un étudiant nassérien lors de la conférence du Directeur de l'Institut des Langues Nationales (ILN) sur les langues nationales en 1983 à l'ENA]. "Si les Noirs ne sont pas contents, ils peuvent rentrer chez eux, au Sénégal" (propos que l'on entend souvent dans les taxis . "Les Noirs sont des Sénégalais qui nous envahissent dans nos administrations. Ils sont jusque au sein du CMSN" !! (propos tenus par le Commandant Ahmed Mahmoud O/ Deh, le hérault de la classe politico-militaire et actuel Permanent du CMSN).

On retrouve ces théories historiques jusque dans les enseignements d'histoire et de géographie au Koweït. Toutes ces idées rappellent, à n'en pas douter, celles d'un Cheikh Sidya Baba qui, dans une lettre adressée au Gouverneur Copolani réclamait "... le refoulement des Noirs sur la rive gauche, car les terres que ceux-ci occupent sur la rive droite appartiennent aux maures". Selon toutes ces versions, la Mauritanie était terra ex nihilis avant l'arrivée des Arabo-berbères. Paradoxale identité avec la théorie sur l'antériorité de l'occupation de l'espace en Afrique du Sud développée par l'Apartheid.

En tout cas, la communauté Négro-mauritanienne doit prendre très au sérieux toutes ces élucubrations historiques qui sont, malgré tout, un apport logistique pour le programme de confiscation des terres alluviales du Sud.

En 1960, nous avions pris pour des élucubrations idéologiques et culturelles les revendications pour l'arabisation d'une Mauritanie que les Beydanes assimilaient déjà au monde arabe. En 1985, voilà où nous en sommes : une Mauritanie arabisée à 95 % et les Noirs menacés d'expulsion de leur patrie historique.

Quelqu'un a écrit que "... Dans les sociétés de classes (pour la Mauritanie, nous pouvons parler de races), l'histoire fait partie des outils par lesquels la classe dirigeante maintient son pouvoir. L'appareil d'Etat cherche à contrôler le passé à la fois au niveau de la politique pratique et au niveau de l'idéologie. L'Etat, le pouvoir organisent le temps passé et façonnent son image en fonction de leurs intérêts politiques et idéologiques".

3-L´ARMEE

Nous parlons de l'armée pour deux raisons. Dans le présent, elle détient le pouvoir. Dans l'avenir, elle jouera un rôle déterminant pour l'issue du conflit racial.

La guerre du Sahara a contribué à lui donner la place qu'elle occupe actuellement. Le coup d'Etat du 10 juillet 1978, en la propulsant sur le devant de la scène politique du pays, a fait d'elle la première force politique avec laquelle il faut désormais composer. Evidemment, il ne faudrait pas entendre "force politique" dans le sens classique du terme, avec une organisation cohérente, avec un programme économique, une idéologie auxquels se réfèrent ses membres. L'armée mauritanienne n'a rien de tout cela. Nous l'appelons "force politique" parce qu'elle contrôle le pouvoir par le moyen des armes. Autrement, elle n'a ni cette cohésion, ni cette solidarité entre membres qui font la force d'un parti politique. En son sein, ses membres raisonnent en Noirs et Beydanes.

Du fait de sa double vocation (militaire revalorisée par la guerre du Sahara, politique par le pouvoir qu'elle contrôle), l'armée mauritanienne est devenue à partir de 1979 à la fois un débouché et un enjeu politique que se disputent les lobbies tribus beidanes. Evidemment les officiers noirs, lessivés de toute ambition politique se contentent d'être les commis des uns et des autres lobbies beydanes, en échange de cadeaux distribués sous forme de postes ministériels ou de directions de sociétés d'Etat. Le carriérisme leur fait oublier leur appartenance à une communauté raciale que leurs maîtres politiques oppriment. Ils ne se soucient même pas de défendre leur dignité souvent bafouée. Et pourtant, leurs maîtres, logiques avec eux-mêmes, n'hésitent jamais à défendre les intérêts de leur communauté en général, ceux de leurs tribus respectives en particulier.

L'armée mauritanienne n'échappe donc pas elle aussi aux contradictions antagonistes culturelles qui divisent le pays en deux camps raciaux. D'ailleurs, elle ne peut y échapper dans la mesure où les régimes beydanes qui se sont succédé depuis 1960 n'ont jamais cultivé l'esprit de solidarité nationale transcendant par là les intérêts particularistes des deux communautés raciales. Par les propos qu'il a tenus dans l'interview qu'il a accordée à Jeune Afrique, Maouiya a prouvé qu'il était un produit de cette politique.

Après l'indépendance, pour éviter que feu le commandant Diallo, l'officier mauritanien le plus gradé à l'époque, ne devienne Chef d'Etat-Major de la jeune armée, O/ Daddah et ses conseillers militaires français recrutèrent des jeunes instituteurs beydanes (Mbarek, Cheikh O/ Beyda, Housseyn et Salek) qui furent envoyés en formation militaire accélérée en France. A leur retour, Diallo fut écarté et Mbarek nommé Chef d'Etat-Major.

Feu le colonel Yall Abdoulaye fut le premier Noir à assumer les fonctions de Chef d'Etat-Major de l'armée mauritanienne, après 25 ans d'existence.

Evidemment, l'Etat beydane ne choisit pas n'importe lequel des officiers noirs pour occuper ce poste ou celui d'adjoint. Il choisit parmi ceux-ci les marionnettes sans aucune ambition politique, et qui servent comme éléments d'équilibre ou éléments régulateurs entre les lobbies politiques beydanes pro (Maroc, Algérie, Libye, Irak) qui se disputent le pouvoir.

Comme partout ailleurs, la beydanisation sévit aussi au sein de cette armée. Elle est comparable à celle qui est pratiquée dans l'Education et l'économie.

- En 1984, sur les 18 officiers de gendarmerie qui furent recrutés, un seul était noir. A la garde, sur les douze, il n'y avait qu'un Noir.

- En 1985 (examen de juillet)

- sur 59 officiers admis, cinq seulement étaient des Noirs, soit 8,47 %,

- sur 98 sous-officiers, les Noirs étaient au nombre de 23, soit 23,46 %.

L'Etat-Major réserve 50 % des places aux arabisants (Beydanes). On crée toutes les difficultés aux Noirs arabisants (pourtant souvent plus compétents) parce qu'une certaine mentalité admet difficilement qu'un Noir maîtrise la langue arabe mieux qu'un Beydane !! Le français et l'anglais ne sont plus l'apanage des peuples qui les ont créés. La moitié restante est répartie en 25 % pour les bilingues (encore les Beydanes) et 25 % pour les Francisants. Dans ce dernier quart, le pourcentage des Noirs se situe entre 15 et 20 % selon les années.

L'autre facteur de blocage se situe au niveau de la correction qui est faite presque exclusivement par des militaires et civils beydanes, français, tunisiens et palestieniens. Le lieutenant-colonel Boukhreiss est allé encore plus loin dans ce malthusianisme lorsqu'il était directeur de l'Ecole Inter-Armes d'Atar. Aux examens d'entrée et de sortie, le coefficient en arabe était 2. Désormais, pour la sortie, il a relevé le coefficient à 8. Pour cette école militaire, il ne faut plus compter sur sa compétence technique pour réussir, mais bien sur la connaissance d'une langue !

L'Algérie et l'Irak sont les pays arabes de formation où les élèves officiers et sous-officiers noirs souffrent le plus. Dans les académies militaires de ces deux pays arabes, on multiplie les blocages (humiliation, vexation, racisme, etc) pour les amener à démissionner et à demander leur rapatriement

Répartition raciale des grades : officiers supérieurs et subalternes Grades COLONELS LT-COLONELS COMMANDANTS CAPITAINES TOTAL

Noirs 1 3 3 16 24

Beydanes 5 5 12 34 66

% des Noirs 28,5 % 37,5 % 21,42 % 31,37 % 30 %

Dans la distribution des postes de responsabilité, on retrouve les mêmes pratiques discriminatoires :

Sur les quinze commandements [Etat-major National, Etat-Major Gendarmerie, Garde Nationale, Régions militaires (6), secteurs autonomes (2), génie militaire, Garim, Marine, EMIA], quatre seulement sont actuellement dirigés par des Noirs

La conséquence de cette politique concertée est la diminution progressive du nombre des cadres noirs au sein de l'Armée. Certes, ce désavantage pourrait être compensée par un certain dynamisme des rescapés de ce malthusianisme. Mais, tel n'est pas le cas. Or, nous ne cessons de le répéter, le rôle de l'armée sera déterminant dans l'issue de la lutte de libération des Noirs contre la domination du système beydane.

-LES MASS-MEDIAS

Dans le domaine de l'information, la politique inaugurée dès l'indépendance a été renforcée. Il s'agissait, à travers les Médias (à l'époque, la Radio, et maintenant Chaab et la Télévision) de préparer les esprits à accepter la politique raciale. Donner l'impression de l'importance numérique des Maures en leur accordant le maximum du temps d'antenne. Il fallait également donner l'impression à l'étranger l'image d'une Mauritanie exclusivement arabe. Pour cela, les heures d'écoute pendant lesquelles les émetteurs peuvent porter le message le plus loin possible sont consacrées à la nationalité beydane. Ainsi, depuis l'indépendance, à partir de 20 h. 30 mn jusqu'au petit matin, jamais on a entendu une émission autre que les émissions beydanes.

Répartition des programmes à la Radio

MATIN MIDI APRÈS-MIDI SOIR TOTAL


Temps d'antenne 6h. - 8h. 30

(2h. 30 mn) 12h. - 16 h. 30

(4h. 30 mn) 18h. - 19h.

(1h.) 19h. - 24h.

(5h.) 13h.

soit 780 mn

Koran 6h. - 6h. 10

(10 mn) ----- ----- 23h. 50 - 24h.

(10 mn) 20 mn

(2,5 %)

Langues Négro-Africaines 6h. 40 - 7 h.

7h. 30 - 8h. 30

(1h. 20 mn) 12h. 05 - 12h. 55

15h. 10 - 16h. 30

(2h. 10mn) 18h. 05 - 18h. 55

(50 mn) néant 4h. 20

(260 mn)

Français 7h. - 7h. 10

(10 mn) 14h. 30 - 15h.

(0h. 30 mn) néant. 18h. 55 - 20h. 30

(1h. 35 mn) 2h. 15

(135 mn)

Arabe 6h. - 6h. 40

7h. 10 - 7h. 30

(0h. 50 mn). 12h. - 12h. 05

12h 55 - 14h. 30

15h. - 15h. 10

(1h. 55 mn) 18h. - 18h. 05

(0h. 05 mn) 20h. 30 - 23h. 55

(3h. 25 mn) 6h. 10mn

(375 mn)


La TV, quant-à elle, a été conçue dès l'origine pour la nationalité beydane.

Grille hebdomadaire à la TV

Pulaar 50 minutes

Wolof 25 minutes Les langues

Sooninko 50 minutes négro-mauritaniennes réunies

Arabe-Hassanya 1200 mn soit 20 h. ont 2h. 05 mn contre 20 h. pour l'arabe

Français 290 mn soit 4 h. 50 mn

Ce tableau se passe de commentaire.

Le journal Chaab, dans sa version arabe a toujours été utilisé pour discréditer les Noirs et leur culture. C'est la tribune de défoulement de tous ces nervis du racisme qui n'en cèdent rien à leurs hommes blancs d'Afrique du Sud.

Pour asseoir cette politique, il faut les hommes qu'il faut. Depuis toujours et aujourd'hui plus que jamais, tout le département de l'information est monopolisé par les Beydanes :

- Ministre : beydane

- Secrétaire Général : beydane

- Tous les Conseillers du Ministre sont beydanes

- Le Directeur Général de l'ORTM : beydane

- Le " " du Chaab : beydane

- Le " " de l'AMP : beydane

Les Directeurs des départements sont presque tous des beydanes. Avec un tel staff, la pérennité de l'injustice et la désinformation contre les Noirs sont assurées, au moment où les meilleurs cadres diplômés de la Presse sont pour l'essentiel des Négro-mauritaniens.

Quant à l'arabisation des médias, elle n'est qu'une façade destinée à se débarrasser des quelques éléments non beydanes qui existent encore. Si non, pourquoi jusqu'à présent on ne recrute pas de Négro-mauritaniens arabisants à la Radio pour le journal parlé (JP) et à la Télévision pour le journal télévisé (JT).

6-LE SYSTEME EDUCATIF MAURITANIEN/UN SYSTEME INIQUE ET ASSIMILATIONNISTE

A/ LES RÉFORMES : SYSTÉMATISATION DE L'ARABISATION

1°/ Le Mythe

La question culturelle qui est un des aspects de la Question Nationale est l'une des plus débattues, à tel point que l'opinion étrangère mal informée ou abusée à dessein, considère que c'est l'unique point de friction entre les nationalités négro-africaines et arabo-berbère de Mauritanie.

C'est en tout cas un des points les plus sensibles, peut-être parce que le plus visible ou touchant les intérêts les plus cruciaux ; c'est peut-être aussi du fait des références idéologiques qu'elle connote : sentiment d'appartenance au monde noir pour les uns, ou au monde arabe pour les autres.

Si historiquement, ces peuples ont vécu côte à côte dans une coexistence jalonnée à la fois de conflits et de serments d'amitié, la colonialisme a contribué à exacerber leurs contradictions ou, mieux, à les diviser en acceptant pour les uns l'introduction de leur langue (l'arabe) dans l'enseignement, tout en méconnaissant les langues africaines pour les autres. Cela se fit par le biais de la première réforme, celle de 1959, dont l'objectif était "d'adapter l'Enseignement aux aspirations culturelles et idéologiques de la Nationalité Arabo-berbère".

Au mépris des valeurs culturelles et idéologiques négro-africaines, ce fut la première orientation volontairement inique et partisane de la France coloniale. En diffusant le mythe d'une majorité arabo-berbère fictive qui devait "justifier" la remise du pouvoir politique à ces derniers, la France fondait l'image d'une Mauritanie maure et oeuvrait pour toujours au maintien des Noirs sous domination.

Depuis, tous les régimes politiques qui se sont succédé vont oeuvrer dans le même sens ; mais il fallait au départ renverser une tendance : la suprématie des Noirs à l'école et dans l'administration ; c'est à cela que Mokhtar O/ Daddah devait d'abord s'atteler.

Il ne s'agissait pas pour Daddah de rattraper le retard dans la scolarisation du Nord, mais plutôt de concevoir une stratégie propre à assurer, à long terme, les conditions objectives devant amener les Beydanes (les Maures) à contrôler exclusivement tous les secteurs de la vie nationale (politique, économique, culturel). Cette stratégie passait par la politique culturelle de l'ARABISATION ; en effet, nous dit Cheikh Anta Diop, "l'impérialisme culturel est la vis de sécurité de l'impérialisme économique". C'est cela que Daddah avait compris et mis en pratique et que tous les régimes militaires qui se sont succédé vont tenter de consolider.

a) L'arabisation : un puissant moyen de sélection et d'élimination

L'arabisation va apparaître au fur et à mesure des réformes du système éducatif comme un puissant moyen de sélection d'abord et d'élimination massive des Négro-mauritaniens par la suite. En réalité, elle va servir de couverture au racisme qui ne se révèle que maintenant, pour peu que l'on observe les pratiques de recrutement : le droit au travail, à la promotion n'est plus l'affaire de compétence mais de couleur.

Au sortir de l'époque coloniale, Daddah allait, par le biais de réaménagements et de réformes s'attaquer au déséquilibre scolaire entre Maures et Noirs. Par la suite, son régime et tous les suivants allaient patiemment mettre en oeuvre la stratégie de l'élimination et de domination des Noirs.

b) La surscolarisation des régions du Nord

Simultanément à l'arabisation, les différents régimes devaient s'atteler à une surscolarisation du Nord et du centre du Pays.

Distribution des écoles

ANNÉES ZONE MAURE

NORD ET CENTRE ZONE SUD

1960 27 43

1970 157 103

1980 347 183

Evolution des effectifs

ANNÉES ELEVES MAURES ELEVES NOIRS TOTAL

1930 100 300 400

1940 130 670 800

1960 5 000 7 000 12 000

1980 69 400 23 400 92 820

Le taux de scolarisation qui devrait atteindre prochainement les 40 % selon le Ministre de l'Education Nationale, va être orienté en direction de la filière "arabe" (essentiellement "Maure") qui renferme déjà les 80 % du total des effectifs des enfants mauritaniens scolarisés.

c) Processus et effets de l'Arabisation 1959, première inégalité

1959 voit la naissance de la première réforme rendant l'arabe obligatoire dans les écoles primaires et secondaires. Son introduction au secondaire en tant que matière allait, pour la première fois, créer une inégalité de classement. En effet, l'enfant noir et l'enfant maure, à égalité de classe devant la langue française, allaient se différencier dans le classement à cause de la note en arabe, langue maternelle (donc familière) du second ; c'est aussi la première violation du principe constitutionnel de l'égalité en droit des citoyens, au regard de la biracialité et la multinationalité du pays.

Volontairement, on allait orienter de façon durable le système éducatif dans le sens inique et unilatéral des intérêts arabo-berbères instituant, au départ, une inégalité entre les enfants d'un même pays ; on allait jeter les bases de la discorde et du racisme qui allaient se poursuivre et s'accentuer à travers les réformes ultérieures.

1967, deuxième réforme qui institue le bilinguisme et proclame l'arabe comme langue officielle. Elle se traduit par une augmentation substantielle de l'horaire consacré à l'arabe :

- la 1ère année entièrement arabisée

- l'arabe comme épreuve obligatoire aux examens

Là, également, en accroissant les chances de réussite du petit Maure ; à l'opposée on accentuait les difficultés du petit Noir dans l'apprentissage qui devait commencer par et dans deux langues étrangères. Devant ce système élitiste, il a fallu du génie à nos enfants qui ont survécu à ses effets.

L'objectif de cette réforme par rapport à celle de 1958, était simplement de renforcer l'inégalité devant la sélection entre les enfants, l'arabe devant servir de filtre.

Mais cela ne suffisait pas ...

En 1971, au niveau du PPM (Parti du "Peuple" Mauritanien), parti unique de Moktar O/ Daddah, le principal artisan de l'arabisation et du racisme institutionnalisé disait : "l'Arabisation est un objectif à long terme... Après l'institution d'un bilinguisme qui n'est qu'une simple transition, la réhabilitation de la langue et de la cultures arabes sera la renaissance de nos valeurs nationale".

Au mépris donc de l'existence de l'entité négro-mauritanienne, une troisième réforme allait naître : celle de 1973.

Elle avait pour objectif de radicaliser l'arabisation. Elle se traduit par :

- l'arabisation des deux premières années du Fondamental,

- la réduction de moitié des horaires de français dans les autres cours,

- l'introduction de 2 épreuves arabes au Fondamental et au secondaire avec un coefficient élevé.

Dans certains établissements secondaires l'on arabisait la Géographie, l'Histoire, la Philosophie pour les Négro-mauritaniens (aussi) dont la langue d'enseignement restait encore le français.

L'originalité de la réforme (il serait plus exact de parler de "réaménagement") de 1973 sera d'imposer l'arabe comme langue de ciment et de reconnaître (tout court) l'existence des Langues négro-africaines.

Ici encore l'essence restait la même : faire échouer les enfants Négro-mauritaniens à défaut de pouvoir les assimiler, en vue de leur domination. Cette réforme du système éducatif s'achève sur les résultats que l'on sait qui déclenchent une crise de conscience commune des Négro-Mauritaniens.

2°/ - La sélection par les examens

Session de 1979

FILIÈRES INSCRITS ADMIS % D'ADMISSION

"Arabe"

(à 95 % Maures) 3 265 1 733 53,69 %

"Français"

(50 % Maures

50 % Noirs) 8 700 3 264 37,51 %

Soit au total 18 % de Noirs : la réforme de 1973 consacrait donc l'échec massif des élèves négro-mauritaniens.

Grâce à l'action conjuguée et courageuse du Mouvement des Etudiants Noirs et du Mouvement Négro-mauritanien, la population noire disait non au pouvoir politique beydane, pour avoir compris la confusion sciemment entretenue entre l'Islam et l'Arabe par le pouvoir.

Face à cette détermination, le pouvoir militaire reculait et mettait en place les réaménagement de 1979-80. Désormais, la population négro-mauritanienne avait le choix entre la filière "français" et la filière "arabe" : l'édifice que Moktar O/ Daddah avait souhaité et construit commençait à s'effondrer malgré tous les efforts déployés par les régimes militaires. Mais ces "réaménagements" leur ayant été arrachés, il firent (et continuent de tout faire) pour les torpiller et consumer les acquis :

l'arabe demeurait pour les Négro-mauritaniens à raison de 5 heures hebdomadaires pour tous les cours exceptée la première année dite "de tronc commun", entièrement arabisée. Contre tout entendement, on l'imposait malgré tout pour des enfants destinée à la filière "français".

De fait ces aménagements au Fondamental consacrant une scolarité complète de 6 ans aux enfants maures (à travers leur langue maternelle) contre 5 ans pour les enfants noirs (par le biais d'une langue non maternelle) reconduisait ainsi la substance des réformes antérieures :

l'inégalité des chances.

"Tout Mauritanien capable d'objectivité et de responsabilité, soucieux de la plénitude de notre Indépendance, doit tirer de l'enseignement de l'arabe une conclusion (entre autres) ... des inégalités frappantes entre enfants d'origine ethnique différente à tous les niveaux".

Ces propos de l'actuel Chef de l'Etat (Maouiya), tirés des conclusions de la Commission Culturelle de 1979 qu'il présidait alors, ne changeront rien à la politique déjà entreprise ; au contraire, non contents d'avoir lâché du lest, les régimes militaires feront tout pour récupérer la réforme de 1980 et ce grâce aux intrigues et combines de Hasni O/ Didi, Ministre de l'Education Nationale.

La réforme du système éducatif qui devait entrer en vigueur en octobre 1985 avec notamment la généralisation de l'utilisation des langues nationales n'est que timidement entamée quand on sait que la mise en oeuvre d'un système (éducatif de surcroît) exige et du temps et de la compétence. Or, les militaires au pouvoir, de connivence avec le Ministre de l'Education Nationale, ont attendu l'échéance fixée à l'Institut des Langues Nationales pour désigner une Commission nationale de Réforme (et de qui se compose-t-elle) qui, en réalité, devait être mise sur pied dès la création de l'ILN et travailler parallèlement en collaboration avec ce dernier, tenant compte de ses travaux.

La seule chance des Négro-mauritaniens d'échapper à l'assimilation, la seule chance pour les Mauritaniens de vivre en quiétude dans la justice et l'équité réside dans l'utilisation généralisée et égalitaire des langues nationales à l'école et dans la vie publique. Et c'est bien ce qu'ont compris les racistes au pouvoir (ainsi que tous ceux qui les ont précédés). Fidèles à leur stratégie d'assimilation systématique, ils étouffent l'Institut des Langues nationales qui est en train de mourir à petit feu, et font traîner les mesures devant mener à cette égalité des chances tant attendue afin de profiter d'une éventuelle conjoncture favorable pour remettre ainsi en cause les acquis des Mauritaniens en général et des Négro-mauritaniens en particulier.

Qu'ont fait le Comité Militaire de "Salut" National (CMSN), le Gouvernement, le Ministre de l'Education Nationale afin que les "mesures d'octobre 1979" et la mission assignée à l'ILN se traduisent dans les faits ?

Les mesures d'octobre 1979, la création de l'ILN, la mise sur pied d'une Commission de Réforme pour être des produits de la lutte des Négro-mauritaniens, n'en sont pas moins des leurres destinés à tromper notre vigilance et endormir notre ardeur afin de remettre fondamentalement en cause nos acquis.

3°/ - Aspects de la stratégie de Hasni O/ Didi

a) A tous les niveaux de décision, le Ministre de l'Education nationale placera les militants de l'arabisation :

- Bureau organisation et Méthode (BOM),

- Direction de l'Enseignement Fondamental,

- Direction de l'Enseignement Secondaire,

- Direction de l'Enseignement Supérieur,

- Direction de l'Enseignement Technique,

- Direction du personnel de l'Education Nationale,

- Direction de l'Université,

- Direction de la Planification et de la Coopération,

- Direction de l'Institut Pédagogique Nationale ...

postes, dont certains ont toujours été contrôlés par les Maures.

b) Dans les régions partout où se rencontre une forte concentration de Noirs, O/ Didi placera les arabisants. Ainsi, les Directeurs Régionaux du Gorgol, du Guidimakha, régions à dominante filière "français", du District de Nouakchott...

La consigne, c'est d'amener progressivement les populations noires, par des manoeuvres subtiles, à choisir l'arabe. Ce mot d'ordre passe par tous les maillons de la chaîne : du Directeur Régional au simple maître de classe, en passant par les Directeurs d'écoles, choisis pour l'occasion parmi les Maures arabisants.

Il faut amener les Noirs à choisir l'arabe, soit empêcher par tous les moyens le choix de la filière "français". Grâce à ces manoeuvres subtiles, on récupère la Réforme de 80.

Cas de Nouakchott (Divisions pédagogiques)

82-83 83-84 84-85

Tronc Commun 56 55 62

2e A "arabe" 32 53 58

2e A"Français" 24 12 9

3e AA 43 45 50

3e AF 15 10 5

4e AA 42 40 45

4e AF 14 15 12

5e AA 35 45 35

5e AF 14 10 6

6e AA 43 45 45

6e AF 20 19 17

N.B. - sur 390 divisions pédagogiques, 306 sont arabes

- sur 30 écoles, 8 seulement comprennent la filière "français"

c/- Deux astuces pour "arabiser" les Noirs

- A Nouakchott, l'arabisation forcée des Noirs passe par l'astuce suivante : grâce à l'action des Directeurs d'écoles choisis parmi les maîtres maures arabisants, l'on recrute, en 1ère année très peu d'enfants noirs et beaucoup d'enfants maures ; ensuite, pour le passage, comme souvent les enfants noirs ne totalisent pas 25 élèves dans la classe (norme officielle jamais respectée en milieu maure pour l'ouverture d'une division pédagogique), l'on informe les parents qu'ils ne peuvent prétendre à une 2e année filière "français" à cause du nombre réduit des enfants. Et alors, soit les parents optent pour le passage en filière "arabe" (2e année) dans la même école, soit ils transfèrent leurs enfants dans une autre école bien souvent très éloignée du domicile. C'est cela qui explique ce que l'on voit tous les jours pour peu que l'on y prête attention : des enfants noirs résidants au 5e ou au 6e arrondissement prenant les cours à l'école "Ilôt K", des enfants noirs du Ksar déplacés à la Capitale pour y apprendre, des enfants noirs du 1er arrondissement faisant la classe au Ksar, etc. Par découragement pour les uns, par peur des risques courus par leurs enfants pour les autres, par manque de moyens économiques pour transporter tous les jours les enfants, pour la plupart, les parents finissent dans bien des cas par "choisir" la filière "arabe". Ceux qui s'y refusent se résignent à envoyer leurs enfants dans le Sud.

Telles sont les tristes solutions que trouvent la plupart des parents d'élèves au lieu de se battre sur place pour faire valoir leur droit.

- La deuxième astuce pour arabiser, tant à Nouakchott qu'au Sud du pays consiste à dire aux parents d'élèves : "Nous manquons de maîtres de français, mais nous pouvons vous trouver un maître d'arabe. Et vous devinez la suite ...

Simultanément à l'arabisation progressive du Sud, l'on éteint systématiquement la filière "français" dans le Nord (voir tableau).

4°/ L'Arabisation : une discrimination raciale évidente

L'arabisation, à travers les tableaux ci-dessous, a permis une main-mise totale des Maures sur la culture ; elle montre dans le fond une simple discrimination raciale.

a) ENSEIGNEMENT FONDAMENTAL (AOUT 1983)

STRUCTURES PEDAGOGIQUES

REGIONS NOMBRE 1e 2e ANNÉE 3e ANNÉE 4e ANNÉE 5e ANNÉE 6e

ANNÉE TOTAL

D'ECOLE AA A F A F A F A F A F

ADRAR 30 23 23 0 16 0 15 0 15 0 19 0 111

ASSABA 61 10 29 2 24 4 24 4 11 3 27 3 141

BRAKNA 79 13 19 16 35 14 18 15 14 17 27 32 220

D.NOUADHIBOU 13 8 16 3 11 2 8 3 12 2 15 2 82

GORGOL 86 24 25 17 11 18 20 18 8 17 19 21 198

GUIDIMAKHA 49 11 9 22 9 18 4 12 2 12 8 18 125

HODH CHARHI 90 23 37 0 33 0 53 0 16 0 28 0 170

HODH GHARBI 79 26 36 0 24 0 24 0 20 0 22 0 152

INCHIRI 15 7 14 0 7 0 7 0 6 0 7 0 48

TAGANT 47 16 36 0 18 0 14 0 9 0 18 0 111

TIRIS ZEMOUR 7 10 12 1 7 1 11 1 7 1 8 2 61

TRARZA 159 49 60 11 45 14 45 11 46 10 34 10 335

TOTAUX 713 220 316 72 240 71 223 64 166 62 232 88 1 754

NB.1. Pour les 124 classes arabisées du Brakna, 50 sont implantées en milieu noir ;

Pour les 279 classes arabisées du Trarza, 80 sont implantées en milieu noir ;

2. Les fonctionnaires noirs en fonction dans le Nord n'ont aucun moyen de scolariser leurs enfants ; la seule alternative qui s'offre à eux c'est d'inscrire leurs enfants à la filière "arabe", soit de s'en séparer en laissant ou en les renvoyant dans le Sud.

b) ENSEIGNEMENT SECONDAIRE EXAMEN DU BACCALAUREAT (1983 - 84)

NATURE DU INSCRITS PRESENTS ADMIS + % SESSION

COMPLEMENTAIRE TOTAL ADMIS

+ %

BACCALAUREAT Maures Noirs Maures Noirs Maures Noirs Maures Noirs Maures Noirs


Lettres originelles 38 0 23 0 20

86,95% 0 2 0 22

95,65% 0

Série A (Arabe) 718 25 658 25 239

36,32% 2

8% 218 5 457

69,45% 7

0,25%

Série A (bilingue 580 299 537 280 95

17,69% 21

7,5% 203 49 298

55,49% 70

25%

Série D (Arabe) 475 8 445 8 69

15,50% 0 56 2 125

28,08% 2

25%

Série D (bilingue 759 275 732 239 184

25,13% 5

2,09% 145 20 329

44,94% 25

10,46%

Série C (Arabe) 80 3 76 3 21

27,63% 0 21 0 42

55,26% 0

Série C (bilingue 119 15 117 15 49

41,88% 3

20% 30 4 79

67,52% 7

46,66%

Technique (Arabe) 13 0 13 0 7

53,84% 0 2 0 9

69,23% 0

Technique (bilingue 23 10 23 10 13

56,52% 0 10 2 23

100% 2

20%

2 612

81,87% 580

18,13% 1 384

92,46% 113

7,54%

3 198

100% 1 497

100%


c) ENSEIGNEMENT SUPERIEUR : ENS, UNIVERSITÉ (1983-84 FILIERE "ARABE"

CLASSES 1e ANNEE 2e ANNÉE 3e ANNEE 4e ANNEE TOTAL


N M N M N M N M N M

Math. Ph 0 26 0 12 0 7 0 8 0 53

Phys. Ch 3 39 0 20 1 11 0 0 4 70

Sc. Nat. 1 37 0 40 1 12 0 13 2 102

Hist. Géo 0 6 0 0 0 21 1 27 1 54

Lettre M. 0 40 0 34 0 26 0 29 0 129

Philosop. 1 27 0 0 0 0 0 0 1 27

Inspect. 0 7 1 10 0 0 0 1 17

Total 5 182 1 116 2 77 1 77 9 452

% 2,67 97,33 0,85 99,15 2,53 97,47 1,26 98,74 1,95 98,05

FILIERE "FRANÇAIS"

CLASSES 1e ANNEE 2e ANNÉE 3e ANNEE 4e ANNEE TOTAL

N M N M N M N M N M

Math. Ph 6 15 0 12 0 2 0 7 6 36

Phys. Ch 6 18 2 8 0 0 0 8 8 34

Sc. Nat. 4 21 6 13 4 6 1 15 15 55

Hist. Géo 0 0 3 1 4 7 4 7 11 15

Lettre M. 15 26 11 13 1 3 6 14 33 56

Philosop. 0 0 7 5 0 0 0 0 7 5

Inspect. 1 5 5 1 0 0 0 0 6 6

Anglais 1 1 16 11 0 3 7 2 20 18

Total 33 86 50 64 9 21 18 51 106 225

% 27,73 72,27 43,85 56,15 30 70 26,08 73,92 32 68


d) ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR : DISCRIMINATION DANS L'OCTROI DES BOURSES (1982-83) PAYS ARABES

PAYS

ALGÉRIE

MAROC

TUNISIE

LYBIE

EGYPTE ARABIE SAOUDITE

KOWEÏT

IRAK

QATAR

SYRIE EMIRATS ARABES UNIS

TOTAUX

Noirs 15 45 17 2 4 8 1 6 1 1 2 102

Maures 82 182 116 18 2 50 3 33 11 60 1 562

Totaux 101 227 133 20 6 58 4 39 12 61 3 664

EUROPE - AMÉRIQUES

PAYS FRANCE ALL. F. ESPAGNE ROUMANIE URSS USA CANADA POLOGNE SUISSE PORTUGAL TOTAUX

Noirs 104 2 1 4 35 2 2 2 2 1 155

Maures 167 6 3 13 80 3 12 0 0 2 286

Totaux 271 8 4 17 115 5 14 2 2 3 441

AFRIQUE NOIRE

PAYS SENEGAL CÔTE D'IVOIRE MALI NIGER GABON CAMEROUN TOTAUX

Noirs 123 32 0 5 2 1 163

Maures 138 16 3 3 1 1 162

Totaux 261 48 3 8 3 2 325

B/ L'ACTION DES MEDIAS POUR LA SYSTÉMATISATION DE L'ARABISATION

Le processus d'arabisation entreprise dans le système scolaire va récemment se compléter par l'action des médias. La radio et la télévision vont diffuser essentiellement la culture arabo-berbère. A défaut d'atteindre leur objectif par l'Ecole, les maîtres du moment vont passer par les médias pour assimiler lentement mais suremment la Communauté négo-mauritanienne en diffusant le moins possible leur culture.

CONCLUSION

En analysant en profondeur le "problème culturel" on découvre que, s'il a existé à un moment donné, il s'est déplacé en fin de compte : de problème culturel, il est devenu un problème racial.

L'arabisation, à travers son processus et ses mesures d'accompagnement (surscolarisation du Nord, élimination par le coefficient, discimination dans l'octroi des bourses, orientation des médias) est une négation raciste : lorsqu'on se rapporte aux recommandations de la réforme de 73, on lit "une arabisation qui se limiterait au monde scolaire serait de peu d'effet..." et recommande un peu plus loin "l'arabisation des ministères qui n'ont pas un caractère technique et qui sont en relation avec l'ensemble de la population, par exemple les ministères de la Justice, de la Culture et de l'Intérieur. Cette arabisation devrait atteindre les régions"(pp. 23-24 du rapport du PPM).

L'on peut tirer de ces recommandations, trois conclusions majeures :

1 - la langue arabe telle qu'elle est dispensée comporte des insuffisances certaines ;

2 - c'est affirmer l'arabité à 100 % de la Mauritanie ("restaurer le nomadisme") ;

3 - c'est nier l'existence, la spécificité des Négro-mauritaniens.

Fondamentalement, il n'y a pas de problèmes de culture, il y a négation des Noirs de Mauritanie en tant que composante raciale spécifique. En tout cas, l'on ne saurait admettre l'existence des Noirs et leur imposer en même temps une culture autre que la leur.

C'est là tout le problème : il s'agit d'ETRE OU DE NE PAS ETRE

-APPEL

A l'issue de cette longue mais nécessaire analyse de la situation actuelle des Noirs en Mauritanie, quelles remarques pouvons-nous faire par rapport à celle de 1966, date à laquelle le document d'introduction a été écrit :

Quatre essentiellement :

- le caractère très actuel du "manifeste des 19", malgré les vingt (20) années passées.

- la dangereuse et inquiétante dégradation de la situation des Négro-mauritaniens dans tous les domaines de la vie politique, économique, culturelle et sociale ;

- les craintes formulées dans le "Manifeste" n'ont jamais été prises en considération par les régimes beydanes qui, au contraire, se sont évertués à satisfaire les revendications culturelles et économiques respectivement des intellectuels et de la bourgeoisie-compradore arabo-berbères ;

- cette absence d'équilibre nous conduit à la conclusion catégorique que la classe politique qui a dirigé la Mauritanie depuis 1957 n'a jamais cru réellement à l'Unité Nationale.

A la lumière de ce qui a été analysé, on se demande comment on peut donc parler d'Unité Nationale en Mauritanie, alors que les principes directeurs de l'Etat Unitaire sont bafoués par un Système (le système beydane) qui s'est toujours préoccupé de défendre les intérêts d'une nationalité racio-culturelle (arabo-berbère) au détriment des autres (sooninke, haratine, bambara, haalpulaar et wolof). Le refus de résoudre correctement les problèmes de la coexistence politique et économique des deux communautés raciales, sous le prétexte de préserver une "Mauritanie Unitaire engendre petit à petit dans la conscience des Négro-mauritaniens un doute sur le principe même de l'Etat Unitaire.

Les négro-mauritaniens, et particulièrement leurs "dirigeants" (politiciens, bourgeois-compradores, intellectuels, cadres administratifs, etc) sont historiquement responsables de leur situation de dominés. Face à une oppression qui se développe et se généralise, ils ont souvent choisi le refuge dans les solutions de facilité à la lutte, avec la formule : "j'en suis conscient, mais je n'y peux rien".

Alors on se réfugie dans :

- les confréries religieuses et le wird

- l'apolitisme,

- le carriérisme, et de plus en plus, l'exil dans les organismes internationaux (ce qui est à la mode),

- l'alcool, la drogue, les jeux du hasard et la luxure,

- les théories idéalistes et délirantes du M"N"D (Mouvement "National" Démocratique) qui prétendent que la Question Nationale est une question très secondaire par rapport à la lutte générale que mène le "peuple" mauritanien contre l'impérialisme français en particulier. Ce mouvement estime que le problème des Noirs en Mauritanie se réglera de lui-même après la libération de ce pays du joug de la "coalition impérialo-féodale", et qu'il est inutile d'insister sur la spécificité de l'oppression négro-mauritanienne. Ces thèses nous rappellent étrangement celles du Parti Socialiste Révolutionnaire Juif (le Bund), des Trotski, Boukhanine et autres sur la Question Juive en Russie. Mais la tradition antisémite violente et séculaire des Russes a eu raison de ces thèses marxistes-léninistes.

Chacun essaie donc de se créer un univers de refuge (religion, carrière, idéalisme politique, etc) où il peut oublier de temps en temps sa ration quotidienne d'exactions du seul fait de sa race (noire) et de sa non appartenance à la culture arabe !!!

L'avenir de la Communauté Noire en Mauritanie dépendra de la solution qu'elle donnera elle-même à cette situation. Elle ne devra compter que sur se propre volonté de mettre fin à l'oppression du Système beydane. Nous pensons que la clef du problème pour les Noirs et pour l'avenir de la Mauritanie toute entière réside fondamentalement dans la destruction du Système beydane et de l'instauration d'un système politique juste, égalitaire auquel s'identifieront toutes les composantes actuelles du pays.

Pour cela, il faudrait que tous les véritables nationalistes mauritaniens (Noirs et Arabo-berbères), épris de paix, de justice et soucieux de voir instaurer une Unité Nationale véritable, acceptent de s'unir afin que tous ensembles combattent pour la suppression de ce système raciste, chauvin, aussi pernicieux que l'Apartheid.

Car cela est possible. Il faudrait que le Négro-mauritanien comprenne qu'il ne doit pas s'insurger contre le Beydane en soi, mais contre l'appareil d'Etat arabo-berbère raciste et oppresseur, afin que Blancs et Noirs puissent enfin dialoguer à égalité, se battre ensemble pour des lendemains plus certains.

Que le chauvinisme et l'hégémonie du monde arabe ne viennent pas aggraver nos contradictions, en épaulant une communauté raciale, la leur, contre une autre (les Noirs). Si tous les Mauritaniens sont musulmans, ils ne sont pas tous arabes, autant que les Kabyles, les Perses, les Turcs ou les Kurdes.

Les problèmes mauritaniens doivent être posés par des Mauritaniens, discutés entre Mauritaniens et solutionnés par les Mauritaniens eux-mêmes. Notre amour pour ce pays nous commande à inviter toutes nos nationalités à un dialogue des races et des cultures, dans lequel nous nous dirons la Vérité pour guérir nos maux.

Il faut que nous traduisons dans la réalité nos appels au Salut National et au Redressement de notre pays, au lieu de dépenser toutes nos ressources et toutes nos potentialités humaines dans des querelles raciales et culturelles dont les principaux bénéficiaires ne seraient certainement pas les Mauritaniens.