Réforme de la justice

- Les faits : Pour le ministre de la Justice, Mahfoudh Ould Bettah (ancien bâtonnier de l’Ordre national des avocats pendant 11 ans), la réforme de la justice s’inscrit dans une volonté de répondre aux recommandations issues des journées de concertation du début de la transition. Cette réforme porte sur trois axes : le recrutement des magistrats, le renforcement de l’indépendance et l’assainissement moral de la magistrature.

La Mauritanie a un déficit de magistrats, la réforme permettrait d’intégrer plus rapidement à la magistrature des personnels issus de la faculté de droit et les avocats notamment.

Le renforcement de l’indépendance du juge est promu par la création d’une commission disciplinaire composée uniquement de magistrats. Cependant, la chancellerie s’arroge par le même mouvement le droit de suspendre un magistrat en cas de « manquement grave » (un avis du président de la cour suprême ou du procureur général est néanmoins nécessaire). C’est cette mesure qui est la plus controversée et à l’origine du mouvement de protestation.

Enfin, pour garantir l’assainissement moral de la profession, un code de déontologie est à l’étude. Mais déjà, la volonté d’interdire aux magistrats d’exercer toute activité politique et surtout de se syndiquer suscite la polémique.

- La protestation : ce projet de réforme a soulevé un mouvement de contestation inédit en Mauritanie puisque six magistrats, dont le procureur de la république du tribunal de Nouakchott, ont démissionné. La presse se fait largement l’écho de ce débat.

Les démissionnaires refusent la réforme pour plusieurs raisons : elle a été préparée sans concertation avec les magistrats et elle modifie le corps de la magistrature. En effet, par les nouvelles méthodes d’intégration, des avocats ou des professeurs pourront accéder aux postes les plus élevés de la magistrature sans passer par la sélection originelle. De plus, elle interdit la syndication aux juges. Ce point a marqué le départ de la crise puisque l’Union des Magistrats de Mauritanie a été crée au même moment de la publication du projet de réforme.

Au delà de ces points du texte, d’autres problèmes sous-jacents se sont cristallisés sur cette réforme. Tout d’abord la confrontation entre le corps des magistrats et ceux des juristes et des avocats (dont le ministre peut être considéré par son passé comme le porte-drapeau), la question du recrutement paraît être ainsi fondamentale. Le caractère arabe de la justice mauritanienne, dont les magistrats issus pour la plupart des Mahadras et de l’ISERI, est au cœur de la polémique, le ministre voulant imposer le bilinguisme dans la justice et, en ouvrant le recrutement aux facultés, séculariser la magistrature. Plusieurs éditorialistes fustigent ainsi une protestation arabo-conservatrice, émanant de fait de l’ancien régime. Enfin, cette réforme n’est que le dernier rebondissement d’une opposition entre les magistrats et la chancellerie. En effet, l’ancien ministre du pétrole, Zeidane a été libéré en violation des règles de procédure légale et des islamistes sont emprisonnés depuis un an sans être passés par un jugement. Les magistrats entendent protester contre les interventions du ministre. Le procureur Nahi a peut-être aussi une rancœur tenace contre le ministère : alors qu’il était chargé d’instruire le dossier de la BCM et qu’il envisageait de remonter aux plus hauts échelons de l’institution, il avait été dessaisi du dossier et nommé procureur.

- Les six magistrats démissionnaires : certains semblent regretter d’avoir démissionner si rapidement.

o le procureur de la république du tribunal de Nouakchott : Mohamed Bouya Ould Nahi

o Présidence de la chambre : Moulaye Ely Ould Moulaye ALI

o Présidence tribunal Ksar : Mohamed Ould AMAR

o Conseiller au tribunal de Kiffa : Abderrahmane Ould AHMEDOU

o Tribunal du Guidimakha : Cheihk Ould Baba AHMED

o Tribunal de Kiffa : Mohamed Yahya Ould AMAR