vendredi 9 mars 2007

Excision et gavage font toujours des ravages...

La question de l’excision en Mauritanie

Comme dans de nombreux pays africains, la pratique de l’excision est une tradition qui frappe de nombreuses femmes.

1. Les mutilations génitales féminines

L’excision est une pratique rituelle consistant à l’ablation de la partie externe du clitoris et des petites lèvres. Il existe de nombreuses variantes de cette opération : suture des petites lèvres ou infibulation, grattage du vagin visant la création de tissus cicatriciels etc.

Les causes de cette pratique traditionnelle sont multiples. Rite initiatique au même titre que la circoncision pour les garçons, l’excision a aussi pour but de limiter l’accès à une sexualité libre et épanouie pour les femmes par la prévention du désir féminin, considéré comme malsain, ainsi que la préservation de la virginité jusqu’au mariage. Des préceptes islamiques sont souvent présentés comme justifiant l’excision, néanmoins, de nombreuses autorités religieuses condamnent cette pratique. Il n’y a en effet aucune trace de l’excision dans les sources de loi coranique (Coran et Sunna).

Les risques encourus par la femme excisée sont dramatiques. L’opération étant souvent pratiquée dans des conditions d’hygiène insuffisantes, une infection peut résulter de l’excision. Des complications peuvent survenir par la suite (kystes, abcès, infection de l’urètre, rétention urinaire etc.). Les accouchements des femmes excisées entraînent de même une mortalité plus élevée. Un handicap sexuel est imposé à la femme, le plaisir sexuel étant, au mieux, limité, ou, au pire, impossible car tout rapport peut être douloureux. Enfin, l’identité féminine est perturbée par l’excision, l’image d’une sexualité honteuse et coupable étant renforcée par cette pratique.

L’excision est légalement proscrite dans la plupart des pays, elle est interdite par la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant. L’O.M.S, l’U.N.I.C.E.F luttent aux côtés des Etats africains afin de faire reculer cette pratique, malheureusement encore tolérées dans certaines régions. On considère à deux millions le nombre de fillettes mutilées chaque année.

2. L’excision en Mauritanie

Officiellement, l’excision est prohibée en Mauritanie depuis que le pays a ratifié en 1989 la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. En outre, l’article 12 du Code des Mineurs prévoit de 160 000 à 300 000 ouguiyas d’amende (510 à 900 €) et un à trois ans de prisons. Le Secrétariat d’Etat à la condition féminine a été crée en 1993. Cependant, comme d’autres pays africains, cette pratique perdure.

La décision d’exciser une fille est prise au sein du cercle familial, le plus souvent par les femmes. L’opération est effectuée par des exciseuses traditionnelles, parfois par du personnel médical.

Les motifs invoqués sont principalement la religion et le souhait d’apaiser le désir sexuel des filles[1]. Le poids de la tradition est aussi très important pour comprendre la permanence de cette pratique.

La prévalence de l’excision varie selon les critères ethniques et géographiques. Selon une étude du Ministère de la Santé la prévalence atteindra 20 à 25 % des femmes mauritaniennes. Cependant, selon l’U.N.I.C.E.F, elle atteindrait 71 %. Les disparités entre le milieu rural (77 %) et le milieu urbain (65 %) sont relativement importantes.

Les différences les plus notables se retrouvent néanmoins selon le critère ethnique. Ainsi, chez les Wolofs, la prévalence est de 28 % alors qu’elle atteint 92 % chez les Soninkés. Les Mauresques et les Halpulaars sont excisées à hauteur de 70 %.

Les zones géographiques où l’excision sévit le plus sont le Guidimakah, les régions du Brakna et du Gorgol (vallée du Sénégal) ainsi que le sud-est du pays : Hodh El Gharbi et Hodh El Charghi.

Les mutilations génitales féminines sont un véritables problème de santé publique vus les dégâts qu’elles engendrent et leur prévalence élevée.

Des campagnes de sensibilisation organisées par des O.N.G et l’U.N.I.C.E.F essayent de réduire ces pratiques. Lors de la journée de lutte contre les mutilations génitales féminines le 8 février, de nombreux journaux ont publié des articles s’élevant contre l’excision. Ils rapportent de même un point de vue théologique sur la question.

L’association des Imams et Ulémas défenseurs des droits de la femme et des enfants a lancé une fatwa contre l’excision à cette occasion. Les médias insistent sur le fait que la loi coranique ne peut être convoquée pour justifier l’excision. Mais il faut rappeler que les journaux ont une très faible audience en Mauritanie (rarement plus de 1000 exemplaires sont vendus). Pour cette raison, les campagnes de sensibilisation s’appuie sur les griots[2] pour être mieux entendues.

Si l’excision a mauvaise presse et que les campagnes sont efficaces, la bataille contre les mutilations génitales féminines est pour autant loin d’être remportée. En effet, certaines zones ont abandonnées cette pratique alors que d’autres la continuent.

Plus que des campagnes médiatiques qui prêchent des convaincus dans les zones couvertes (essentiellement des villes), il faut appuyer des actions de terrain qui sont les seules à même de persuader des villages entiers et où l’ancienne exciseuse devient la principale militante anti-mutilations comme divers exemples nous l’ont montré.

Le gavage des femmes en Mauritanie

Le gavage des femmes est une pratique sociale que l’on retrouve surtout parmi l’ethnie maure. Parmi les sévices imposés aux femmes, le gavage est une spécificité mauritanienne, on le retrouve néanmoins aussi au Mali et au Niger.

Vers 9 ans, les fillettes sont soumises au gavage. On leur fait consommer de force des quantités astronomiques de lait, de couscous, de beurre et de graisse d’agneau afin d’accélérer la prise de poids. Les femmes continuent de consommer en grosse quantité car leurs estomac s’est élargi. Les filles devenues obèses rapidement perdent aussi leur mobilité mais acquièrent les critères nécessaires pour un mariage précoce.

Les raisons de cette pratique sont esthétiques, sociales et économiques. En effet, selon les canons de la beauté, les femmes se doivent d’être rondes et plantureuses. L’obésité est un véritable critère de beauté chez les Maures, les vergetures sont comparées à des bijoux. Le gavage entraîne de fait une plus grande passivité chez la femme notamment sur le plan de la sexualité, et ce, en conformité avec les préceptes islamiques.

Socialement, cette pratique s’explique par la marginalité des filles qui ne vont pas à l’école et qu’il faut marier le plus rapidement possible. Le gavage permet ainsi aux filles d’avoir des formes de femmes rondes et donc de se marier. Tout comme l’excision, le gavage est une pratique qui se s’effectue entre femmes et dont les hommes sont exclus.

Economiquement, le gavage est un signe extérieur de richesse pour les parents. L’obésité de leur fille étant une marque d’opulence de la famille et d’appartenance aux catégories sociales supérieures.

Les conséquences sanitaires du gavage peuvent être dramatiques et entraîner des problèmes cardio-vasculaires, d’hyper tension et de diabète.

Le gavage est en net recul dans les zones urbaines où les campagnes de sensibilisation et surtout l’essor du travail féminin ainsi que les critères esthétiques occidentaux ont fait diminuer cette pratique. Néanmoins, à la campagne où la scolarisation est encore sporadique, cette pratique traditionnelle sévit toujours. On assiste aussi à des femmes pratiquant l’auto gavage par la prise de médicaments développant la masse corporelle des animaux afin d’obtenir des rondeurs rapidement et ne pas être mal vues. La maigreur étant parfois assimilée au sida. Cette pratique est notamment remarquée dans la région du fleuve.



[1] Selon une étude menée en 2003 pour l’UNICEF, l’excision est effectuée pour des raisons religieuses (57 % des femmes et 60 % des hommes) et pour apaiser le désir sexuel (52 % des femmes et 37 % des hommes)

[2] chanteurs traditionnels

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